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La dissection de la Cione, un Urochordé

Figure 1. Cione robuste (Ciona robusta) (crédit photo : perzoso).

Figure 1. Cione robuste (Ciona robusta) (crédit photo : perzoso).

La Cione ou Ascidie (Ciona robusta) est un animal marin filtreur vivant fixé aux rochers, algues, pontons et autres coques de bateaux au sein de la zone littorale, au stade adulte (fig. 1). Cet animal est commun, même dans les eaux portuaires. Lors de son développement, la Cione connaît un court stade larvaire libre et nageur.

La morphologie externe et la position systématique de la Cione

Orientation de la Cione

Figure 2. Cione entière dans sa tunique en vue latérale (crédit photo : E. Force).

Figure 2. Cione entière dans sa tunique en vue latérale (crédit photo : E. Force).

L’animal se présente sous la forme d’un sac allongé de 5 à 20 cm à l’état adulte. Il est mou et possède deux siphons dans la région antérieure, opposés aux crampons dans la région postérieure Les crampons servent à fixer l’organisme au substrat (fig. 2). En position de vie, la Cione est traversée par un courant d’eau entrant au niveau du siphon le plus axial, soit le siphon buccal, et sortant par le siphon cloacal désaxé et de diamètre inférieur au siphon buccal. Aussi, le corps de l’animal est enveloppé dans une tunique composée de tunicine, un polymère cellulosique, donnant son nom au groupe des Tuniciers. En première approximation, la précision des polarités dorso-ventrale et antéro-postérieure ne semble pas évidente. Ces polarités résultent de modifications importantes produites lors de la métamorphose de la larve. Cette transition marque le passage d’un mode de vie libre à une vie fixée.

Figure 3. Coupe sagittale d’une larve de Cione entière (illustration : E. Force, d’après F. Michel).

Figure 3. Coupe sagittale d’une larve de Cione entière (illustration : E. Force, d’après F. Michel).

La larve de Cione (fig. 3) mesure environ 1 mm de long. Elle présente un long corps comportant les principaux organes et une queue au sein de laquelle sont observables la corde et le tube neural.

Figure 4. Métamorphose de la Cione vue en coupe sagittale (illustration : E. Force).

Figure 4. Métamorphose de la Cione vue en coupe sagittale (illustration : E. Force).

À la suite de l’éclosion, la locomotion de la larve par la nage ralentie et l’organisme tombe sur le substrat sur lequel elle se fixe par trois papilles adhésives localisées en avant de l’animal. S’ensuivent trois phénomènes (fig. 4) :

  • Régression et disparition de la queue larvaire par autolyse et phagocytose.
  • Apparition des organes adultes : percement de la bouche, les deux cavités péri-branchiales confluent, la vésicule cérébrale régresse en un ganglion nerveux et la glande hyponeurale se forme par dilatation du tube neural en position ventrale. Enfin, les fentes branchiales apparaissent.
  • Rotation de 180° du corps à l’intérieur de la tunique. La bouche se place du côté opposé aux papilles adhésives formant les crampons.

L’observation de la métamorphose de l’animal permet d’orienter l’organisme selon la position du tube neural au moment de la fixation (fig. 4). En effet, le siphon buccal se trouve en position ventrale alors que le siphon cloacal est en position dorsale. De plus, l’axe antéro-postérieur est discernable : les deux siphons se localisent dans la région antérieure de l’organisme alors que les crampons se retrouvent dans la région postérieure.

La position systématique de la Cione

Le positionnement de la Cione dans la classification actuelle demande d’observer quelques critères visibles dans la morphologie et le comportement de l’adulte puis l’étude du développement embryonnaire de l’organisme ainsi que de la morphologie larvaire (fig. 5).

Figure 5. Tableau récapitulatif de la position systématique de la Cione (illustration : E. Force).

Figure 5. Tableau récapitulatif de la position systématique de la Cione (illustration : E. Force).

L’anatomie de la Cione dépourvue de sa tunique

La tunique épaisse de l’animal empêche l’étude des différents appareils contenus dans les cavités péri-branchiale et viscérale. Il faut donc retirer cette tunique.

Figure 6. Cione dépourvue de sa tunique en vue latérale (crédit photo : E. Force).

Figure 6. Cione dépourvue de sa tunique en vue latérale (crédit photo : E. Force).

Après avoir débarrassée la Cione de sa tunique, l’animal se présente emballé d’un épiderme très fin, formé de cellules qui sécrètent la tunicine. Cet épiderme est doublé d’un tissu conjonctif lacuneux au sein duquel se retrouvent des muscles circulaires peu développés et des muscles longitudinaux constituant des faisceaux rubanés (fig. 6). Ces muscles longitudinaux permettent la rétractation de l’animal vers son support. Quant aux muscles circulaires, ils confèrent une légère constriction de l’animal.

En bordure des siphons sont remarqués des lobes siphonaux entre lesquels se trouvent des ocelles rouges. Aussi, plusieurs structures internes sont visibles par transparence : le ganglion nerveux formant une tache blanche entre les deux siphons, le pharynx branchial, le tube digestif de couleur jaunâtre et les conduits génitaux (fig. 6).

L’anatomie interne de la Cione

Généralités sur l’organisation interne de l’animal

Figure 7. Anatomie interne de la Cione en vue latérale (crédit photo : E. Force).

Figure 7. Anatomie interne de la Cione en vue latérale (crédit photo : E. Force).

L’anatomie interne de la Cione est organisée en deux régions (fig. 7) :

  • La partie antérieure occupant l’essentiel de l’organisme se compose d’une cavité principale appelée atrium. Une grande partie de cette cavité est occupée par le pharynx branchial. Aussi, le tube digestif et les gonoductes débouchent dans cette cavité.
  • La partie postérieure de la Cione correspond à la région viscérale. Ici sont présents l’essentiel du tube digestif, les gonades et le cœur.

L’appareil respiratoire et digestif de la Cione

Figure 8. A : pharynx branchial de Cione en vue dorsale ; B : détails des cellules ciliées du pharynx branchial (crédits photos : E. Force) ; C : schéma d’une coupe transversale au niveau du pharynx branchial (illustration : E. Force, d’après Turquier, 1990).

Figure 8. A : pharynx branchial de Cione en vue dorsale ; B : détails des cellules ciliées du pharynx branchial (crédits photos : E. Force) ; C : schéma d’une coupe transversale au niveau du pharynx branchial (illustration : E. Force, d’après Turquier, 1990).

Les appareils respiratoire et digestif sont traités ensemble dans la mesure où le pharynx est un organe intervenant à la fois dans la fonction respiratoire et dans la prise alimentaire. Ce pharynx est différencié en un organe respiratoire, le pharynx branchial (fig. 8). De plus, il montre de nombreuses perforations ou fentes branchiales mettant en communication la cavité branchiale avec la cavité péri-branchiale. Quant à la fonction digestive du pharynx, celle-ci repose sur deux structures différenciées :

  • L’endostyle (fig. 8A), côté ventral, constitue une gouttière longitudinale recouverte de cellules sécrétrices de mucus. Ce dernier est transporté par les courants d’eau qui traversent le pharynx. Aussi, le mucus piège les particules alimentaires (fig. 8C).
  • Les particules prisonnières du mucus circulent sur le pharynx jusqu’à atteindre le raphé dorsal formé par une succession de cellules ciliées (fig. 8B) qui permettent de transporter les aliments en direction de l’œsophage qui se situe dans la partie postérieure du pharynx (fig. 8C).
Figure 9. Détail de la région intestinale en vue latérale (crédit photo : E. Force).

Figure 9. Détail de la région intestinale en vue latérale (crédit photo : E. Force).

Ensuite, les aliments sont digérés dans l’estomac et absorbés par l’intestin (fig. 9). Le rectum est terminé par l’anus débouchant dans la cavité péri-branchiale. Les déchets sont évacués avec le courant d’eau sortant au niveau du siphon cloacal.

L’appareil circulatoire ouvert de la Cione

Figure 10. Détail de l’appareil circulatoire de la Cione (illustration : E. Force).

Figure 10. Détail de l’appareil circulatoire de la Cione (illustration : E. Force).

L’appareil circulaire de l’animal est ouvert et ne présente pas de paroi propre. Le sang circule au sein de lacunes et sinus du tissu conjonctif. De plus, le sang est mis en mouvement par un organe à activité pulsatile : le cœur. Ce dernier est un sac à double paroi, ouvert aux deux extrémités sur des sinus (fig. 10). Toutes les 3 minutes, le sens de circulation du sang s’inverse après un arrêt momentané. Cela propulse le sang tantôt dans un sens puis tantôt dans l’autre.

La Cione : un animal hermaphrodite

Figure 11. Détails des appareils digestif et reproducteur de la Cione (illustration : E. Force).

Figure 11. Détails des appareils digestif et reproducteur de la Cione (illustration : E. Force).

La Cione est un animal hermaphrodite, comme l’ensemble des Tuniciers, et possède un ovaire et un testicule bien distincts (fig. 11). Une protandrie est remarquée : les gonades mâles arrivent à maturité avant les gonades femelles.

L’ovaire est piriforme, mamelonné et moucheté de brun-orange à maturité. Il se trouve à côté de l’anse intestinale. L’oviducte longe le rectum et s’ouvre au-dessus de l’anus au niveau de la papille génitale à proximité du siphon cloacal.

Quant au testicule, il se présente comme une glande ramifiée logée dans l’épaisseur du tissu conjonctif qui emballe l’estomac. Le spermiducte est très fin, il jouxte l’oviducte et débouche au niveau de la papille génitale sous la forme de petits tubes éjaculateurs.

L’appareil excréteur de la Cione

Chez la Cione, l’appareil excréteur n’est pas différencié. Cependant, il existe des néphrocytes, cellules sanguines spécifiques, comportant des concrétions puriques et des urates éliminés après la mort de l’animal. Ces cellules peuvent être considérées comme des reins d’accumulation. Aussi, la glande hyponeurale, située sous le ganglion nerveux, joue un rôle dans l’excrétion des déchets azotés.

Le système nerveux de l’animal

Figure 12. Détail du système nerveux de la Cione (crédit photo : E. Force).

Figure 12. Détail du système nerveux de la Cione (crédit photo : E. Force).

Chez la larve, le système nerveux est plus développé. En effet, il est constaté une vésicule cérébrale et un véritable tube neural. Au cours de la métamorphose, le système nerveux régresse considérablement. Le système nerveux ne subsiste alors que sous la forme (fig. 12) :

  • D’un petit ganglion nerveux ellipsoïdal situé dans le plan de symétrie de l’espace intersiphonal.
  • De nerfs antérieurs pairs qui partent du ganglion nerveux et qui innervent le siphon buccal, et des nerfs postérieurs pairs innervant le siphon cloacal. Aussi, un nerf postérieur impair innerve le raphé dorsal.

Conclusion : la Cione, un organisme à vie fixée

Une étude anatomique de la Cione, notamment pendant sa vie larvaire, met en lumière des attributs retrouvés chez un Chordé. La position dorsale du système nerveux réduit à l’état d’un ganglion cérébroïde est un témoin de son appartenance à ce groupe. Aussi, le pharynx différencié en un appareil respiratoire est un attribut majeur permettant la détermination de la position systématique de l’organisme. Par ailleurs, la régression d’une grande partie des structures caractéristiques des Chordés, comme la corde ou le tube neural par exemple, est à mettre en lien avec un mode de vie fixé, modifiant les contraintes de vie de l’animal.

 

Bibliographie

Beaumont A. et al.. Biologie animale – Les Cordés : anatomie comparée des Vertébrés. Dunod, 2009. 688 p.. ISBN 978-2100516582

P Harley J. & A Miller S.. Zoologie. De Boeck, 2015. 640 p.. ISBN 978-2804188160

Turquier Y.. L’organisme dans son milieu – Les fonctions de nutrition. Tome 1. Doin, 1990. 315 p.. ISBN 978-2704006205

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