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La Lieude : un site d’études géologiques au sein du bassin de Lodève

Figure 1. A : extrait de la carte géologique de France au 1/1 000 000 (d’après BRGM) ; B : affleurement de La Lieude (bassin de Lodève) (crédit photo : E. Force).

Figure 1. A : extrait de la carte géologique de France au 1/1 000 000 (d’après BRGM) ; B : affleurement de La Lieude (bassin de Lodève) (crédit photo : E. Force).

La Lieude se situe au sein du bassin de Lodève. Dans ce dernier se trouvent des terrains sédimentaires du bassin du Sud-Est (fig. 1A). Plus précisément, les roches observées à l’affleurement sont formées par l’alternance de couches d’argiles rouges à grises-verdâtres selon le degré d’oxydation du fer, ainsi que de grès (fig. 1B). Ces terrains sédimentaires se remarquent sur plusieurs kilomètres et montrent un pendage N90,30°S : il s’agit de terrains monoclinaux (fig. 1B). Une étude plus approfondie de la carte géologique de France au 1/1 000 000 permet de constater, en plus des terrains permiens, la présence de grès datés du Trais. Ceux-ci se retrouvent dans une zone de plus haute altitude. Puis, ces grès sont surmontés par des coulées basaltiques du Quaternaire.

Ce site est un très bon exemple pour pratiquer des techniques de datation relative ou encore étudier la tectonique du bassin de Lodève.

La tectonique du bassin de Lodève par l’étude du site géologique de La Lieude

Étude de la tectonique à l’échelle du site

Figure 2. Strates sédimentaires à disposition monoclinale (crédit photo : E. Force).

Figure 2. Strates sédimentaires à disposition monoclinale (crédit photo : E. Force).

La disposition monoclinale des strates sédimentaires observées à La Lieude indique un déplacement des roches par des événements tectoniques (fig. 2). En effet, le dépôt des strates s’effectue horizontalement au cours de la sédimentation. Par ailleurs, les strates ne montrent aucun plissement. Ceci laisse penser à une contrainte extensive provoquant le basculement de la zone. Une telle hypothèse serait validée par l’observation de failles normales, typiques d’un contexte extensif. Qu’en est-il à l’affleurement ?

Étude de la tectonique à l’échelle de l’affleurement

Figure 3. Un affleurement de La Lieude montrant des failles normales et inverses (crédit photo : E. Force).

Figure 3. Un affleurement de La Lieude montrant des failles normales et inverses (crédit photo : E. Force).

À une plus petite échelle, l’observation de l’affleurement apporte des indices tectoniques. En effet, de nombreuses failles sont constatées (fig. 3). De par leur orientation, elles ne semblent pas posséder la même origine : sont alors distinguées des failles normales ainsi que des failles inverses. Les premières sont des indices d’un ancien régime extensif, les secondes sont typiques d’un ancien contexte compressif. En cela, l’histoire tectonique du site, et plus largement du bassin de Lodève, parait plus complexe que supposée initialement.

Figure 4. A : failles normales (en jaune) anté-basculement ; B : failles normales (en jaune) post-basculement ; C : failles inverses (en bleu) après un évènement compressif (crédits photos : E. Force). L’horizontale est représentée par une ligne blanche, la surface de dépôt anté-basculement est figurée en pointillés gris. Le cercle rouge attire l’attention sur un crochon de faille, témoin d’une collision au sein d’une même strate initialement impactée par une faille normale. Cette dernière semble avoir rejoué en faille inverse par la suite.

Figure 4. A : failles normales (en jaune) anté-basculement ; B : failles normales (en jaune) post-basculement ; C : failles inverses (en bleu) après un évènement compressif (crédits photos : E. Force). L’horizontale est représentée par une ligne blanche, la surface de dépôt anté-basculement est figurée en pointillés gris. Le cercle rouge attire l’attention sur un crochon de faille, témoin d’une collision au sein d’une même strate initialement impactée par une faille normale. Cette dernière semble avoir rejoué en faille inverse par la suite.

Une étude plus approfondie de l’affleurement permet de déterminer l’ordre d’apparition des failles. Aussi, il est possible de retracer les évènements tectoniques du site, et par extension, du bassin de Lodève. Tout d’abord, le pendage des couches est mesuré en sachant que le basculement du site possède un pendage de 30°. En général, les failles normales présentent un pendage de 60° environ par rapport à l’horizontale. Les failles inverses montrent un pendage de 30°. Sur cet affleurement, il est constaté des failles normales conjuguées à pendage de 60°S/60°N. Ceci reflète un contexte extensif après le basculement du bassin (fig. 4A). Par ailleurs, certaines failles présentent des pendages particuliers. Sont observées des failles normales conjuguées ayant des pendages d’environ 80°S/40°N (fig. 4B). Ceci peut s’expliquer par la formation de failles normales antérieures au basculement de la zone. Ce dernier aurait provoqué un décalage du plan de la faille initiale de 30°. Ainsi, deux failles conjuguées de pendage 60°S/60°N auraient donné ensuite deux failles conjuguées de pendage 80°S/40°N. De cela se dégage un premier évènement tectonique extensif ayant participé à la formation de failles normales antérieures et postérieures au basculement du bassin sédimentaire permien. L’hypothèse selon laquelle la zone a connu un ancien contexte extensif est privilégiée. De plus, les déformations tectoniques cassantes visibles à l’affleurement reflètent très probablement celles constatées à une plus large échelle.

En outre, l’étude de l’affleurement met en lumière des indices d’un ancien évènement compressif. Il s’agit de failles inverses. Ces dernières présentent un pendage de 60° environ (fig. 4C). Habituellement de 30°, le pendage de ces failles est surprenant. Aussi, ces failles inverses sont sécantes aux failles normales post-basculement (fig. 4C). Elles ont également rapproché des strates initialement décalées par ces failles normales : les failles inverses sont donc postérieures au basculement. De ce fait, il est possible d’émettre une hypothèse selon laquelle les anciennes failles normales auraient été des zones de fragilité et auraient rejoué en failles inverses lors de la compression du bassin sédimentaire. Cela donnerait une explication au pendage anormalement élevé de ces failles inverses.

Une succession d’évènements tectoniques peut être proposée pour expliquer les observations faites à l’affleurement. Tout d’abord, un phénomène extensif orienté Nord-Sud, et postérieur aux dépôts sédimentaires permiens, aurait engendré des failles normales impliquées dans le basculement du bassin sédimentaire. S’ensuit, postérieurement au basculement du bassin, un contexte convergent de même orientation. Cette phase compressive est vérifiée par la présence d’anciennes failles normales ayant rejoué en failles inverses.

Afin de retracer l’histoire tectonique de ce bassin, il est possible d’effectuer une datation relative des différents évènements étudiés.

Datation relative et reconstitution de l’histoire tectonique du bassin de Lodève

Figure 5. Panorama de Mérifons (crédit photo : E. Force). Deux unités sont distinguables : des strates argilo-gréseuses à pendage 30°S (en jaune) et des strates de grès dolomitiques qui reposent en discordance sur les strates basculées.

Figure 5. Panorama de Mérifons (crédit photo : E. Force). Deux unités sont distinguables : des strates argilo-gréseuses à pendage 30°S (en jaune) et des strates de grès dolomitiques qui reposent en discordance sur les strates basculées.

Tout près de l’affleurement étudié précédemment, le château de Mérifons repose sur des unités permettant de dater relativement la période extensive du bassin. En effet, les strates argilo-gréseuses ayant un pendage de 30°S sont remarquées, de plus, elles sont surmontées par des strates de grès à ciment dolomitique sub-horizontales. Il s’agit ainsi d’un contact discordant entre ces deux unités : le basculement du bassin n’affecte que les strates argilo-gréseuses (fig. 5). Des études géochimiques sur des échantillons permettent de connaître l’âge exact de ces unités : les strates argilo-gréseuses sont datées au Permien (entre 292 et 252 Ma), les strates de grès dolomitiques ont un âge compris entre 252 et 201 Ma (Trias). Ainsi, il est possible de procéder à une datation relative du contexte extensif connu par ce bassin. La phase extensive est postérieure au dépôt des strates argilo-gréseuses et antérieure à la sédimentation des strates de grès dolomitique. Elle s’est donc très probablement déroulée entre le Permien supérieur et le Trias inférieur.

Toutes les observations précédentes peuvent être replacées dans un contexte tectonique global, à l’échelle du bassin de Lodève. Les nombreuses failles normales constatées à l’affleurement ainsi que le basculement des strates laissent penser que le site a été soumis à une déformation cassante : une faille normale majeure. Cette dernière a engendré l’ouverture Nord-Sud et le basculement du bassin de 30°. Ces évènements seraient la conséquence de l’activité de la faille des Cévennes. Celle-ci est une faille normale située à la bordure Sud du bassin de Lodève, ayant joué lors de la phase extensive à l’origine de la formation du bassin au Permien.

Néanmoins, dater la période compressive est plus délicat avec les seules observations de terrain. Pour autant, des études ont été menées et ont démontré que les strates de grès dolomitiques sont affectées par des failles inverses, tout comme les strates argilo-gréseuses vues ci-avant. De ce fait, le bassin de Lodève aurait connu une phase compressive post-triasique, très probablement lors de la compression Pyrénéenne de direction Nord-Sud durant l’Éocène (56 à 34 Ma). Cette dernière aurait fait rejouer les failles normales post-basculement en failles inverses.

Figure 6. A : bloc diagramme du bassin de Lodève (source : www.salasc.fr) ; B : coupe géologique schématique du bassin de Lodève (illustration : P. Thomas & F. Kalfoun) ; C : reconstitution chronologique des évènements tectoniques ayant affecté le bassin de Lodève (source : www.salasc.fr).

Figure 6. A : bloc diagramme du bassin de Lodève (source : www.salasc.fr) ; B : coupe géologique schématique du bassin de Lodève (illustration : P. Thomas & F. Kalfoun) ; C : reconstitution chronologique des évènements tectoniques ayant affecté le bassin de Lodève (source : www.salasc.fr).

En conclusion, la synthèse des observations de terrain (fig. 6A et B) peut conduire à l’établissement d’une chronologie des évènements ayant formé et affecté le bassin de Lodève (fig. 6C). Tout d’abord, une phase de dépôt des strates argilo-gréseuse s’effectue au cours du Permien. Une période extensive Nord-Sud s’ensuit et provoque le basculement de la zone de 30° vers le Sud. Cette période extensive est associée à la formation du bassin de Lodève durant le Permien supérieur. L’érosion des strates argilo-gréseuses se produit, le dépôt de grès dolomitique a lieu au cours du Trias. Pour finir, la période compressive Nord-Sud, associée à l’orogenèse Pyrénéenne, conduit à la formation des failles inverses par le rejeu de failles normales.

 

Bibliographie et sitographie

Alabouvette B et al. Carte géologique de Lodève au 1/50 000. BRGM, 1982.

Blachère H. et al.. Déformation polyphasée des sédiments permiens du bassin de Lodève. Mise en évidence de la phase de compression pyrénéenne : ses effets sur les structures héritées de la phase de distension permienne. Sciences Géologiques, 1984. n° 37, pp. 119-129.

Carte géologique de France au 1/1 000 000. BRGM, 2003.

Saint-Martin M.. Genèse et évolution structurale du bassin permien de Lodève (Hérault-France). Cuadernos de Geologia Iberica, 1992. n° 16, pp. 75-90.

Thomas P. & Kalfoun F.. Failles normales, failles inverses, basculement : un exemple de datation relative à la Lieude et au Mas d’Alary, bassin permien de Lodève (34). In Planet Terre [en ligne]. [consulté le 28 août 2021]. Disponibilité et accès sur : https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/lieudealary.xml

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