1 Juin 2022
Les Criquets sont des Insectes Orthoptères très communs en été. On les observe dans les champs et les prairies en train de se mouvoir par bonds grâce à la détente de leurs longues pattes postérieures.
Dans l’optique d’une étude morpho-anatomique externe et interne de ces animaux, parmi les nombreuses espèces de Criquet en France, nous décrirons ici le Criquet migrateur (Locusta migratoria) (fig. 1).
La morphologie externe et la position systématique du Criquet
L’étude de la morphologie externe du Criquet permet de décrire les structures anatomiques indispensables à la locomotion et à la communication en milieu aérien chez ces organismes. De plus, l’appareil buccal de cet Insecte fera l’objet d’une autre dissection, réalisée après l’étude anatomique du reste de l’animal étant donné que certains appareils et systèmes internes peuvent être détériorés lors de cette manipulation.
La tagmose du Criquet
Le corps du Criquet se compose de trois régions morphologiques aussi nommées tagmes. Il s’agit de la tête, du thorax et de l’abdomen (fig. 2). Le corps montre deux axes de polarité : antéro-postérieur et dorso-ventral. Il est aussi constaté une symétrie bilatérale.
Figure 3. A : tête de Criquet migrateur vue de face ; B : tête de Criquet migrateur en vue latérale (crédits photos : E. Force).
La tête du Criquet porte des organes sensoriels et des pièces buccales masticatrices qui entourent la bouche (fig. 3). Il est remarqué :
Le thorax est constitué de trois métamères (fig. 4). D’avant en arrière, on constate le prothorax, le mésothorax et le métathorax. Chacun d’eux est délimité par un tergite dorsal, un sternite ventral et deux pleurites latéraux. De plus, le tergite du prothorax est très développé et arbore une forme de selle : il s’agit du pronotum. Ce dernier masque les autres constituants du prothorax. Aussi, le thorax montre des structures permettant la locomotion de l’animal. Il s’agit des appendices locomoteurs ou pattes et des ailes. Puis, le thorax est pourvu de deux paires de stigmates positionnés au niveau des pleurites à côté de la zone d’insertion des pattes.
Quant à l’abdomen, celui-ci est formé de 11 segments (fig. 5). Le premier unit le métathorax à l’abdomen et présente sur ses flancs les organes tympaniques ayant un rôle dans l’audition. L’organe tympanique est constitué d’un cadre chitineux arrondi et solide soutenant une fine membrane, ou membrane tympanique, qui recouvre une cavité. Sont également remarqués, en avant des organes tympaniques, des stigmates.
Les segments abdominaux 2 à 8 sont similaires. Ils sont reliés entre eux par des membranes intersegmentaires ou articulaires. De plus, ces segments sont très mobiles. Chacun porte une paire de stigmate positionnés près du bord inférieur des tergites.
Les segments 9 à 11 sont spécialisés dans la reproduction. Ils forment une armature génitale servant à l’accouplement chez le mâle et la ponte chez la femelle. Le dernier segment ou telson n’est visible que chez la larve. De plus, il forme la membrane péri-anale chez l’adulte. Les cerques sont des structures indépendantes localisées en arrière du 10ème tergite.
Figure 6. A : extrémité de l’abdomen du mâle en vue latérale ; B : extrémité de l’abdomen de la femelle en vue latérale (crédits photos : E. Force).
Un dimorphisme sexuel est visible sur la partie terminale de l’abdomen : il est alors possible de déterminer le sexe de l’individu.
Chez le mâle (fig. 6A), l’organe copulateur se situe à l’extrémité de l’abdomen sous les valves anales : l’épiprocte et les paraproctes. L’abdomen du mâle figure massif, les valves sont plaquées autour de l’orifice de la chambre génitale au sein de laquelle se trouve le pénis. Aussi, la forme des cerques et de la plaque sou génitale des mâles sont variables selon les espèces.
Chez la femelle (fig. 6B), le sexe est identifié par la présence d’un organe de ponte nommé oviscapte ou ovipositeur. Ce dernier est constitué de trois paires de valves : une dorsale, une latérale et une ventrale. Toutes sont articulées par l’intermédiaire d’apodèmes internes. Cet ovipositeur permet de creuser le sol lors de la ponte. Les cerques, l’épiprocte, les paraproctes ainsi que les valves génitales ont une forme simple. Ces structures ne présentent pas de variations en comparaison de ceux du mâle.
Les pattes, les ailes et la locomotion
Figure 7. A : patte métathoracique de Criquet migrateur en vue latérale ; B : tarse de la patte métathoracique en vue latérale ; C : extrémité de la patte métathoracique (crédits photos : E. Force).
Les pattes du Criquet sont insérées sur le thorax entre le sternum et les pleures de chaque métamère. Six pattes sont observées, réparties en trois paires :
Chacune de ces pattes montre six parties (fig. 7A) :
Les ailes sont des expansions dorso-latérales paires des 2ème et 3ème métamères thoraciques. Ces ailes s’articulent sur des processus des tergites méso et métathoracique (fig. 8). Les ailes antérieures ou élytres montrent une surface réduite. Au repos, les élytres recouvrent les ailes postérieures protégeant alors les ailes postérieures. Ces dernières possèdent une surface importante. De plus, des nervures alaires transversales et longitudinales renforcent ces ailes. Les nervures délimitant des cellules membraneuses jouant un rôle fondamental dans le vol. Le remigium ou partie antérieure de l’aile métathoracique est la seule partie alaire soumise à l’action des muscles alaires. Le vanus, plus postérieur et en éventail, a un rôle dans la sustentation de l’animal.
L’appareil phonateur et la communication sonore du Criquet
Chez les Orthoptères, les émissions acoustiques sont très variées. Les Criquets frottent leurs fémurs postérieurs le long des élytres. Plus spécifiquement, chez le Criquet migrateur, la stridulation est réalisée par le frottement de la face interne du fémur sur une nervure alaire portant des tubercules. Cette nervure alaire est positionnée au-dessus de la nervure radiale. La chambre de résonance est un espace demeurant libre entre les élytres, en forme de toit au-dessus de l’abdomen. Par ailleurs, le peigne stridulatoire n’est présent que chez le mâle.
La position systématique du Criquet migrateur
L’analyse de la morphologie externe du Criquet renseigne la position systématique de l’animal (fig. 9) et donne des indications quant à son mode de vie.
Figure 9. Tableau récapitulant la position systématique du Criquet migrateur (illustration : E. Force).
L’anatomie interne du Criquet
L’étude de l’anatomie interne du Criquet demande à ouvrir l’organisme par sa face dorsale.
L’appareil circulatoire : un système circulatoire ouvert
Figure 10. Schéma de l’appareil circulatoire du Criquet en vue latérale (illustration : E. Force, d’après SVTICE Hatier).
Le sang des Hexapodes, ou hémolymphe, ne présente pas de pigments respiratoires. La respiration est permise par le système trachéal. À défaut de distribuer du dioxygène, l’hémolymphe distribue des métabolites, des hormones, de l’eau et des déchets aux organes appropriés. Le système circulatoire est ouvert (fig. 10). L’hémolymphe est pompée vers l’avant de l’organisme au travers du vaisseau dorsal. Ce dernier est formé d’une série d’ampoules : les chambres contractiles. Elles communiquent entre-elles par l’intermédiaire de valvules. L’hémolymphe arrive au niveau de ces chambres par des orifices latéraux appelés ostioles, et circule d’arrière en avant. Un système de valves anti-reflux assure le sens de circulation dans le vaisseau dorsal.
En vue dorsale, le vaisseau dorsal est visible. Il est très superficiel et repose sur une membrane : le diaphragme dorsal. Ce vaisseau dorsal s’étend de l’extrémité postérieure de l’abdomen à la tête. Il se différencie en une aorte, antérieure, et un cœur, postérieur. Le cœur se situe dans un sinus péricardique et se retrouve bordé par deux troncs trachéens réunis dans chaque segment par une trachée transverse. Le cœur est formé d’une succession de sept chambres contractiles qui communiquent entre-elles par des valvules. La contraction de huit paires de muscles aliformes entraine l’abaissement du diaphragme et conduit à une dilation du cœur et un appel de l’hémolymphe. Ensuite, les battements cardiaques projettent l’hémolymphe vers l’avant de l’organisme au travers de l’aorte. Celle-ci s’engage dans le thorax pour former des diverticules thoraciques et se prolonge dans la tête. En dehors du vaisseau dorsal, l’hémolymphe circule librement dans l’hémocoele. Toutefois, il existe un sinus ventral situé autour de la chaine nerveuse et limité par un diaphragme ventral. Dans ce sinus ventral, l’hémolymphe circule d’avant en arrière. Aussi, le mouvement de l’animal aide à la circulation de l’hémolymphe à l’intérieur du corps.
L’appareil respiratoire : des sacs aériens aux trachéoles
Figure 11. Éléments de l’appareil respiratoire du Criquet. A : sacs aériens ; B : trachées ; C : trachéoles (crédits photos : E. Force).
L’appareil respiratoire du Criquet se compose d’un réseau de trachées (fig. 11B) apparaissant comme de petits filaments blanchâtres voire translucides. Les trachées sont reliées à des sacs aériens (fig. 11A). Ces derniers se retrouvent chez de nombreux Insectes pratiquant le vol. En effet, ils permettent d’emmagasiner de l’air supplémentaire, et ainsi, d’augmenter l’efficacité des échanges gazeux au niveau des muscles. Les échanges gazeux s’effectuent par l’intermédiaire des stigmates positionnés sur chaque métamère à partir du thorax. L’ouverture des stigmates est contrôlée permettant alors de limiter les pertes en eau.
L’appareil excréteur du Criquet et l’excrétion azotée associée
L’appareil excréteur du Criquet se compose de :
Figure 12. Tubes de Malpighi de Criquet en vue dorsale (crédit photo : E. Force). Les tubes de Malpighi marquent la délimitation entre deux régions du tube digestif : le mésentéron et le proctodeum.
L’appareil digestif du Criquet : stomodeum, mésentéron et proctodeum
Chez les Arthropodes, l’appareil digestif est divisé en trois régions : le stomodeum, le mésentéron et le proctodeum (fig. 13). De plus, le stomodeum et le proctodeum sont recouvert de chitine signant une origine ectodermique. Quant au mésentéron, il est dépourvu de revêtement chitineux indiquant une origine endodermique. Ce mésentéron a un rôle dans la digestion et l’absorption des aliments.
En détails, le stomodeum comprend la bouche, le pharynx, l’œsophage, le jabot et le gésier. Débouchent également dans cette région les glandes salivaires. La progression des aliments est permise par la musculature pharyngienne et oesophagienne. C’est au niveau du gésier que le revêtement chitineux forme des « dents » permettant de réduire la taille des particules alimentaires au cours des contractions des fibres musculaires circulaires. Aussi, une valve empêche le passage des particules de trop grande taille vers le mésentéron. Ce dernier sur une dizaine de mm à partir du sphincter cardiaque. Les parois du mésentéron sont fines et dépourvues de cuticule. Sont remarqués six cæca gastriques s’y ouvrant et courant parallèlement au tube digestif. Cette région du tube digestif se termine par un sphincter pylorique au niveau duquel débouchent les tubes de Malpighi. C’est également à ce niveau que sont sécrétées les enzymes digestives et se réalise l’essentiel de l’absorption des nutriments. Le proctodeum, mesurant entre 28 et 30 mm, est formé de l’iléon, du colon et du rectum. L’iléon est court et effilé postérieurement. Le colon est fin et souple, ce qui lui permet de replier sur lui-même. Enfin, le rectum est étroit et montre des replis longitudinaux, il est terminé par l’anus positionné sous l’épiprocte.
Les appareils génitaux femelle et mâle du Criquet
Figure 14. A : appareil génital femelle du Criquet en vue dorsale ; B : ovaire et ovarioles de Criquet ; C : spermathèque et vagin de Criquet (crédits photos : E. Force).
Chez la femelle, les ovaires sont deux masses importantes recouvrant le tube digestif (fig. 14A). Un ovaire comporte un nombre variable d’ovarioles (fig. 14B). Ces ovarioles sont de type panoïstique : ils ne présentent pas de cellules nourricières, les réserves sont directement captées dans l’hémolymphe par pinocytose. De plus, une ovariole est constituée d’un germinarium faisant suite à un vitellarium. Les ovocytes mûrs se trouvent à proximité des oviductes. Ils sont jaunes comparés aux jeunes ovocytes blancs (relation avec la vitellogenèse en fin de maturation). Les ovocytes mûrs sont émis dans les oviductes aux parois élastiques pouvant se dilater lors du passage des œufs. Les oviductes se rejoignent au-dessous de la chaine nerveuse pour former le vagin (fig. 14C). Ce dernier est un tube aplati s’ouvrant à la base de la chambre génitale. Deux glandes accessoires sont accolées aux ovaires (fig. 14A). Ce sont des expansions antérieures des oviductes. Ces glandes produisent des sécrétions permettant d’agglomérer les ovocytes les uns aux autres, et faciliter leur adhésion au substrat lors de la ponte. La spermathèque présente un conduit, le canal de la spermathèque, débouchant dans la chambre génitale (fig. 14C). Cette spermathèque reçoit les spermatozoïdes du mâle durant la maturation des ovocytes.
Chez le mâle, les deux testicules s’agencent en une masse unique positionnée sur le tube digestif (fig. 15). Chacun de ces deux testicules se compose de plusieurs centaines de follicules empaquetés dans un tissu conjonctif. L’extrémité antérieure des testicules est montre un rapport avec les spermiductes ou canaux déférents. Ceux-ci parcourent ventralement les testicules et collectent les follicules (fig. 15). Ils se séparent ensuite et encadrent le tube digestif. Les spermiductes débouchent dans le canal éjaculateur, en arrière des glandes sexuelles accessoires (fig. 15). Quant à ces dernières, on dénombre une quinzaine de glandes de chaque côté. Elles forment deux masses noueuses. En leur sein, il est possible de repérer les vésicules séminales : une paire de longs tubes contournés entourés d’une membrane jaune (fig. 15). Le canal éjaculateur est un tube aplati montrant des parois épaisses. Il reçoit les spermiductes et les glandes sexuelles accessoires avant de s’ouvrir dans un sac éjaculateur. Aussi, il est remarqué un organe d’intromission situé à l’extrémité du sac éjaculateur. Cet organe est constitué de plusieurs plaques très sclérifiées et superposées les unes sur les autres : il s’agit du complexe phallique (fig. 15).
Le Criquet, un organisme hyponeurien
Figure 16. A : cerveau de Criquet vu de face (crédit photo : E. Force, d’après Heusser S. et Dupuy H.-G., 2015) ; B : schéma du système nerveux du Criquet (illustration : E. Force, d’après Beaumont et Cassier, 2008).
À l’avant de l’animal, il est constaté une concentration de ganglions nerveux formant un cerveau. Celui-ci comprend trois parties constituées chacune d’une paire de ganglions symétriques accolés (fig. 16A) :
La chaine nerveuse ventrale (fig. 16B) comporte une paire de ganglions par segment à partir desquels partent deux paires de nerfs : ils innervent le tergite et le sternite du métamère. Par ailleurs, cette disposition est par endroit altérée par la fusion de certains ganglions. C’est pourquoi le nombre de ganglions est inférieur au nombre de segments :
Puis, le système nerveux sympathique de cet animal innerve l’appareil digestif ainsi que l’appareil reproducteur. On remarque aussi des masses nerveuses sphériques, transparente à légèrement rosâtre : ce sont les corps cardiaques et les corps allates. Ces organes sont de très petite taille, il est difficile de pouvoir les observer sans recourir à une technique histologique. Ils présentent un rôle fondamental, en effet, ces organes interviennent dans le contrôle hormonal des mues et de la maturation sexuelle.
Le Criquet et ses pièces buccales
Les pièces buccales du Criquet permettent le prélèvement de la nourriture. Ces animaux sont macrophages et montrent un appareil masticateur de type broyeur.
Les pièces buccales (fig. 17) sont des appendices modifiés à l’exception du labre, faisant office de lèvre supérieure.
En détails, le labre est un sclérite chitineux associé à une puissante musculature. Il permet le maintien des aliments et les dirige vers la bouche. Les mandibules sont de puissants appendices, creux avec un bord libre différencié en une région incisive ayant des denticules aigus pour sectionner les aliments et une région molaire composée de crêtes émoussées assurant le broyage des aliments. Aussi, les mandibules montrent une brosse de soies fines jouant le rôle de filtre. Ces appendices buccaux sont mis en mouvement par des muscles adducteurs très puissants. Les maxilles sont des appendices de type biramé portant un endopodite, ou galéa, aplati en forme de gouttière, et un endite, ou lacinia, permettant la mastication. Quant au labium, cet appendice résulte de la fusion de deux appendices semblables aux maxilles. Il porte également deux palpes labiaux sensoriels.
Bibliographie
Beaumont A. & Cassier P.. Biologie animale – Des Protozoaires aux Métazoaires épithéloneuriens. Tome 2. Dunod, 2004. 512 p.. ISBN 978-2100486601
Heusser S. & Dupuy H.-G.. Atlas de biologie animale. Dunod, 2015. 228 p.. ISBN 978-2100712335
P Harley J. & A Miller S.. Zoologie. De Boeck, 2015. 640 p.. ISBN 978-2804188160