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Géologie de la Chaine des Puys

Figure 1. Vue nord du Puy-de-Dôme (crédit photo : E. Force & Thesupermat).

Figure 1. Vue nord du Puy-de-Dôme (crédit photo : E. Force & Thesupermat).

Les géologues français peuvent se vanter de pouvoir étudier et présenter un ensemble volcanique aussi complet et pédagogique que la Chaîne des Puys (fig. 1). La diversité des édifices, leur nombre conséquent sur une surface restreinte et accessible, leurs âges récents, la linéarité des formations ainsi que la variabilité chimique des roches volcaniques font de cet ensemble une source riche d’enseignements en volcanologie.

En quoi la Chaîne des Puys est-elle un ensemble volcanique complet et pédagogique ?

Le cadre géologique de la Chaine des Puys

La Chaine des Puys : un ensemble volcanique au sein du Massif Central

Figure 2. Extrait de la carte géologique de France au 1/1 000 000 figurant les 17 ensembles volcaniques du Massif Central (illustration : E. Force, modifié d’après BRGM).

Figure 2. Extrait de la carte géologique de France au 1/1 000 000 figurant les 17 ensembles volcaniques du Massif Central (illustration : E. Force, modifié d’après BRGM).

En Auvergne, à l’Ouest de Clermont-Ferrand, se situe un ensemble volcanique atypique : la Chaine des Puys. Cet ensemble volcanique se présente comme un alignement d’édifices qui s’étend du Nord au Sud sur une quarantaine de kilomètres. Daté au Cénozoïque, cet ensemble est le plus récent des 17 ensembles volcaniques du Massif Central. Aussi, la Chaine des Puys repose sur un socle granitique et métamorphique paléozoïque et borde le bassin de la Grande Limagne.

Figure 3. Bloc-diagramme de la partie centrale de la Chaine des Puys (illustration : A. Portal, d'après Boivin et al., 2009).

Figure 3. Bloc-diagramme de la partie centrale de la Chaine des Puys (illustration : A. Portal, d'après Boivin et al., 2009).

De plus, la Chaine des Puys surmonte un horst : le plateau des Dômes. Ce plateau domine, à l’Est, le demi-graben de la Grande Limagne, et à l’Ouest, le fossé d’Olby et la vallée de la Sioule (fig. 3).

Le fossé d’effondrement, ou graben, rempli de sédiments oligocènes constitue la plaine de la Limagne.

La Chaine des Puys : un jeune témoin du volcanisme du Massif Central

L’ensemble volcanique que forme la Chaine des Puys est le plus jeune témoin du volcanisme du Massif Central. Ce dernier a commencé au début du Paléogène, il y a 65 millions d’années.

Figure 4. Distribution spatio-temporelle de l’activité volcanique dans le Massif Central (illustration : E. Force, d’après Maury & Varet, 1980).

Figure 4. Distribution spatio-temporelle de l’activité volcanique dans le Massif Central (illustration : E. Force, d’après Maury & Varet, 1980).

Le volcanisme lié à la Chaine des Puys a débuté il y a 100 000 ans environ (fig. 4). L’activité volcanique de cet région n’a pas été continue. Elle peut être présentée selon quatre périodes majeures :

  • entre 100 000 et 90 000 ans ;
  • entre 75 000 et 70 000 ans ;
  • entre 45 000 et 30 000 ans ;
  • entre 13 500 et 9 000 ans.

En 1752, un naturaliste français, Jean-Étienne Guettard, a découvert le passé volcanique de la Chaine des Puys. Pour cela, il a comparé les roches prélevées sur place avec celles du Vésuve en Italie.

Aussi, le nom de « Puy » vient du latin podium signifiant « hauteur » ou « colline ».

La Chaine des Puys : une diversité d’édifices volcaniques

Figure 5. Carte volcanologique simplifiée de la Chaine des Puys (illustration : A. Portal, d’après Boivin et al., 2017).

Figure 5. Carte volcanologique simplifiée de la Chaine des Puys (illustration : A. Portal, d’après Boivin et al., 2017).

La Chaine des Puys se compose d’environ 110 édifices volcaniques, disposés selon un axe Nord-Sud, entre le gour de Tazenat au Nord et le Puy de Tartaret au Sud (fig. 5). De plus, au sein de cet alignement se présentent des groupes de 3 à 8 édifices volcaniques s’agençant en segments rectilignes de quelques kilomètres de long. En surface, ces segments caractérisent le tracé de failles fracturant le socle hercynien du Massif Central. Ces failles ont aussi permis le passage de magmas lors des éruptions à l’origine des différents édifices.

Les volcans de la Chaine des Puys peuvent être classés en trois catégories selon leur morphologie et leur structure. Celles-ci reflètent différents types d’éruptions.

Les dômes et protrusions

Figure 6. Le Puy de Dôme (crédit photo : W. Crochot).

Figure 6. Le Puy de Dôme (crédit photo : W. Crochot).

Figure 7. Volcanisme péléen et formation d’un dôme (illustration : E. Force). A : explosions basales provoquant des nuées ardentes ; B : explosions latérales générant des nuées descendantes de type Mérapi ; C : explosions sommitales conduisant à des colonnes et des panaches cendreux.

Figure 7. Volcanisme péléen et formation d’un dôme (illustration : E. Force). A : explosions basales provoquant des nuées ardentes ; B : explosions latérales générant des nuées descendantes de type Mérapi ; C : explosions sommitales conduisant à des colonnes et des panaches cendreux.

Les dômes sont des édifices volcaniques ayant une forme arrondie comme l’illustre un volcan au nom révélateur : le Puy de Dôme (fig. 6). De plus, ces volcans sont dépourvus de cratère et sont entourés d’un talus de blocs et de débris (fig. 7).

La forme en dôme de ces édifices volcaniques s’explique par les laves qu’ils émettent. Ces dernières sont de composition trachytique. Elles sont très visqueuses et ont une température comprise entre 800 et 900 °C.

Du fait de sa viscosité, le magma monte très lentement dans la tuyauterie volcanique. De plus, ce magma est très riche en gaz. Le gaz se dissocie très difficilement du liquide magmatique. En cela, lors d’une éruption, une phase explosive très violente est remarquée. Cette phase correspond à la libération du gaz à haute pression piégé dans le magma. Aussi, une explosion peut être provoquée par la vaporisation d’eaux superficielles au contact des laves visqueuses. La phase explosive de l’éruption volcanique est très brève. Elle provoque un élargissement de la partie supérieure du conduit d’alimentation, et peut quelques fois creuser un cratère d’explosion dans le sol : on parle de maar trachytique. S’ensuit une phase d’extrusion de la lave visqueuse. Ne pouvant pas s’écouler, la lave s’accumule sur place et forme un dôme. Celui-ci grossit selon une succession d’injections magmatiques jusqu’à remplir la totalité du cratère initial.

Cependant, le dôme créé ne peut contenir la pression interne exercée par l’accumulation de laves visqueuses. L’édifice cède et libère un nuage de gaz magmatiques contenant des blocs, lapillis et cendres en suspension, ayant une température comprise entre 600 et 800 °C. Il s’agit d’une nuée ardente. Cette nuée, étant plus dense que l’air, glisse sur le sol à la manière d’un liquide avec une vitesse pouvant atteindre les 200 km/h. Dans le cas du Puy de Dôme, l’écoulement de nuées ardentes est restreint à la périphérie du volcan du fait de la faible pente des alentours.

Ce type éruptif est caractéristique d’un volcanisme dit péléen en référence aux éruptions de 1902 et 1929 de la Montagne Pelée en Martinique.

Figure 8. Le Puy de Dôme ou le « Puy deux dômes » (illustration : G. Godard).

Figure 8. Le Puy de Dôme ou le « Puy deux dômes » (illustration : G. Godard).

Par ailleurs, le Puy de Dôme, pris ici pour exemple, cache en réalité une petite particularité. Contrairement à un dôme classique avec un sommet plat et des pentes raides, il se compose de deux dômes accolés (fig. 8). Doit-on ainsi l’appeler « Puy deux dômes » ?

Les éruptions stromboliennes et les cônes de scories

Figure 9. Le Puy de Côme (crédit photo : A. Rigaïl).

Figure 9. Le Puy de Côme (crédit photo : A. Rigaïl).

Figure 10. Volcanisme strombolien et formation d’un cône (illustration : E. Force).

Figure 10. Volcanisme strombolien et formation d’un cône (illustration : E. Force).

Au sein de la Chaine des Puys, une majeure partie des édifices volcaniques prend la forme d’un cône tel le Puy de Côme par exemple (fig. 9). Ce dernier est constitué de l’accumulation de scories émises au cours de phases d’activités caractéristiques du volcanisme dit strombolien (fig. 10). En effet, le cône montre une pente régulière, se terminant par un cratère à son sommet. Des coulées de laves fluides s’intercalent entre les dépôts de scories, et conduisent à échancrer le cratère en cours ou en fin d’activité. De plus, la fluidité de ces laves s’explique de par leur composition chimique proche du basalte voire de la trachyandésite, et leur température d’émission très élevée, allant de 1 000 à 1 500 °C.

En détails, lors de l’arrivée des magmas près de la surface, sous l’effet d’une dépression, ceux-ci se séparent des gaz dissous. L’évacuation des gaz entraine la formation de bulles, d’une taille croissant avec la diminution de la pression. Une fois le sommet du volcan atteint, les bulles de gaz éclatent et projettent des objets volcaniques de tailles variées : cendres, lapillis et bombes.

Ce volcanisme est qualifié de strombolien en référence au Stromboli, un volcan des îles Éoliennes en Italie. Ce dernier présente ce type d’activité depuis plus de 2 500 ans.

Figure 11. A : bombe en fuseau du Puy de Lemptégy ; B : bombe en bouse de vache du Puy de Lemptégy (crédits photos : C. Deneuvillers) ; C : scories du Puy de Barme (crédit photo : D. Mollex, collection de l’ENS de Lyon).

Figure 11. A : bombe en fuseau du Puy de Lemptégy ; B : bombe en bouse de vache du Puy de Lemptégy (crédits photos : C. Deneuvillers) ; C : scories du Puy de Barme (crédit photo : D. Mollex, collection de l’ENS de Lyon).

Les projections volcaniques présentent des caractéristiques bien distinctes. Les bombes sont des blocs de lave solidifiée et façonnée : alors qu’ils étaient encore plastiques lors de leur émission, en tournoyant dans les airs ou en s’écrasant sur le sol, ils prennent une forme typique. On parle de bombe en fuseau pour les premières (fig. 11A) et de bombe en forme de bouse de vache pour les secondes (fig. 11B). Néanmoins, la plupart des fragments projetés sont contournés, hérissés et bulleux. Il s’agit de scories (fig. 11C).

La taille ainsi que la couleur des objets volcaniques projetés varient du centre vers la périphérie de l’édifice volcanique. En effet, la taille moyenne des projectas diminue avec l’éloignement du cratère. La teinte classique des scories est noire à gris sombre. Ces éléments sont riches en fer ferreux. Toutefois, lors de leur émission et au cours de leur refroidissement, l’oxydation de ces éléments au contact de l’air engendre la conversion du fer ferreux en fer ferrique, donnant une couleur rouge caractéristique aux scories au centre du cône. En périphérie du volcan, les scories sont trop froides pour s’oxyder. Elles gardent leur couleur noire originelle.

Figure 12. Puys de la Vache et de Lassolas (crédit photo : J. Rattat).

Figure 12. Puys de la Vache et de Lassolas (crédit photo : J. Rattat).

Certains cônes, comme les Puys de la Vache et de Lassolas (fig. 12), présentent une forme particulière avec un cratère dissymétrique, ébréché voire ouvert sur un côté : on parle de cratère égueulé. Cette forme atypique caractérise des édifices volcaniques émettant des laves fluides dès le début des éruptions volcaniques.

Les cratères d’explosion ou maars

Figure 13. Formation et fonctionnement d’un maar basaltique (illustration : E. Force, d’après Camus et al., 1991).

Figure 13. Formation et fonctionnement d’un maar basaltique (illustration : E. Force, d’après Camus et al., 1991).

Un maar est formé suite à une éruption phréato-magmatique (fig. 13) : il s’agit d’une éruption explosive provoquée par le contact d’eaux souterraines ou superficielles avec un magma basaltique ou trachytique.

Pour commencer, le magma chaud ascendant entre en contact avec de l’eau froide contenue dans une nappe souterraine, un lac ou une rivière. En résulte un refroidissement brutal, ou trempe, et une fragmentation du liquide magmatique. Ensuite, une vaporisation explosive de l’eau est constatée. La force de cette explosion est fonction de la profondeur à laquelle se rencontre le magma et l’eau. La vapeur d’eau générée transporte en suspension un mélange de fragments magmatiques et d’objets arrachés au substratum.

L’explosion peut se caractériser selon plusieurs étapes successives. Tout d’abord, l’explosion se manifeste par une colonne éruptive expulsée verticalement sur plusieurs kilomètres. Cette colonne éruptive s’effondre ensuite sur elle-même à l’instar d’un geyser. Cela entraine, tout autour de la colonne éruptive, des nuées horizontales appelées déferlantes basales. Ces dernières se déplacent en surface à des vitesses supérieures à 100 km/h. Au cours de leur déplacement, les nuées déposent leur charge solide comme le ferait un cours d’eau. Se forme alors, aux rythmes des explosions, des dépôts stratifiés.

Figure 14. A : lac Pavin (crédit photo : H. Derus) ; B : Puy Pariou (crédit photo : A. Rigaïl) ; C : Puy Chopine (source : cirkwi.fr).

Figure 14. A : lac Pavin (crédit photo : H. Derus) ; B : Puy Pariou (crédit photo : A. Rigaïl) ; C : Puy Chopine (source : cirkwi.fr).

Enfin, l’éruption phréato-magmatique se termine après un tarissement du magma ou de l’eau. S’il est question d’un arrêt de l’apport de magma, l’éruption cesse et un lac circulaire se forme dans le cratère du maar comme le lac de Pavin par exemple (fig. 14A). Par ailleurs, si un tarissement de l’eau survient, l’éruption se poursuit avec soit une activité volcanique explosive créant un cône de scories, soit une activité volcanique effusive faisant subsister un lac de lave. Ce dernier peut déborder et cacher une partie voire la totalité du maar initial (ex. Puy Pariou) (fig. 14B). Enfin, dans le cas d’un magma trachytique très visqueux, la formation d’un dôme ou la protrusion d’une aiguille peuvent être remarquées et masquent alors le maar initial comme dans le cas du Puy Chopine (fig. 14C).

La diversité de ces volcans fait suite à de multiples épisodes volcaniques ayant débutés il y a 100 000 ans environ. Quels sont les mécanismes ayant donné naissance aux édifices volcaniques du Massif Central et plus spécifiquement ceux de la Chaine des Puys ? Cette question est encore aujourd’hui soumise à débat dans la communauté scientifique et est source de nombreuses controverses.

L’origine du volcanisme du Massif Central

La formation du rift cénozoïque Ouest-européen

Afin de comprendre l’origine du volcanisme dans la Chaine des Puys, il est indispensable d’avoir une vision plus globale et de considérer l’intégralité du Massif Central.

Figure 15. A : schéma structural du rift Ouest européen du Cénozoïque (illustration : A. Portal, d’après Brousse & Bellon, 1983). L’encadré en pointillé correspond à la figure B ; B : répartition des principales structures tectoniques et volcaniques du Massif Central en fonction de leur âge (illustration : A. Portal, d’après Boivin et al., 2009).

Figure 15. A : schéma structural du rift Ouest européen du Cénozoïque (illustration : A. Portal, d’après Brousse & Bellon, 1983). L’encadré en pointillé correspond à la figure B ; B : répartition des principales structures tectoniques et volcaniques du Massif Central en fonction de leur âge (illustration : A. Portal, d’après Boivin et al., 2009).

Le Massif Central présente un contexte géologique caractérisé par la formation de vastes fossés d’effondrement ou grabens, pour la plupart orientés Nord-Sud, et remplis de sédiments datés à l’Oligocène (fig. 15A). Le fossé de la Limagne est le plus important de ces fossés d’effondrement.

Au cours du Cénozoïque, l’Ouest de la plaque Européenne connait une période d’extension et d’amincissement crustale. Généralement, un tel contexte mène à la rupture de la plaque tectonique et à la formation d’un océan, à l’instar de l’Atlantique entre les plaques Européenne et Américaine il y a 200 Ma environ. Cependant, dans le Massif Central, l’évolution de cet épisode d’extension a été bien différente : le rift a avorté et a cessé de fonctionner à partir du Miocène. La déchirure continentale et l’océanisation n’ont pas eu lieu. Toutefois, suite à la période d’extension du Cénozoïque, d’importants épisodes volcaniques régionaux se sont produits entre le Miocène, le Pliocène ainsi que le Quaternaire (fig. 15B).

À l’issue de ces observations, au début du XXe siècle, les géologues ont été interpellés par la coïncidence temporelle entre la formation des Alpes et la période extensive et volcanique du Massif Central. Ils expliquaient cela par le fait que le rifting et le volcanisme du Massif Central pouvaient être une conséquence du plissement alpin. Quant aux modalités des mécanismes sous-jacents, cela resta un vaste mystère.

C’est à partir des années 1970 que les géologues se sont penchés sur la question, faisant alors émerger plusieurs hypothèses.

Des modèles et théories sur la genèse du volcanisme du Massif Central

L’origine du volcanisme du Massif Central a été et reste encore une source de débats dans la communauté scientifique. Cependant, quelques modèles et théories ont pu être présentés, notamment à la suite d’études géophysiques dans les années 1970. Les scientifiques ont mis en évidence une remontée asthénosphérique importante sous le Massif Central. Celle-ci serait la conséquence d’un régime extensif subit par la lithosphère continentale sus-jacente.

Le modèle du point chaud

Figure 16. Modèle diapirique expliquant l’origine du volcanisme du Massif Central (illustration : A. Portal, d’après Brousse & Bellon, 1983). ECVP : European Cenozoic Volcanic Province.

Figure 16. Modèle diapirique expliquant l’origine du volcanisme du Massif Central (illustration : A. Portal, d’après Brousse & Bellon, 1983). ECVP : European Cenozoic Volcanic Province.

En 1978, un premier modèle se propose de répondre à la question de l’origine du volcanisme observé dans le Massif Central. Ce modèle suggère une remontée, au sein de la lithosphère continentale, d’un corps asthénosphérique provoquant une extension qui se traduit par des rifts. Cette ouverture serait aussi accompagnée d’un épisode volcanique. S’ensuit un sous-plaquage du diapir sous la croûte continentale entraînant un second épisode volcanique (fig. 16).

De plus, une étude géochimique et isotopique des laves émises lors des rifts européens donnent une composition équivalente à celles des Ocean Island Basalt ou OIB. C’est alors que plusieurs hypothèses à propos de la source possible des magmas se dessinent : un éventuel recyclage de la lithosphère océanique, une partie de manteau enrichie à la base de la lithosphère ou encore un panache mantellique. C'est sur cette dernière hypothèse que s'appuiera le modèle du point chaud.

Figure 17. Modèle de panache(s) mantellique(s) expliquant l’origine du volcanisme du Massif Central et plus largement celui du rift Ouest-européen (illustration : A. Portal, d’après Granet et al, 1995 et Lustrino & Wilson, 2007). ECVP : European Cenozoic Volcanic Province.

Figure 17. Modèle de panache(s) mantellique(s) expliquant l’origine du volcanisme du Massif Central et plus largement celui du rift Ouest-européen (illustration : A. Portal, d’après Granet et al, 1995 et Lustrino & Wilson, 2007). ECVP : European Cenozoic Volcanic Province.

Néanmoins, le panache situé sous le rift Ouest-européen semble plus complexe que le modèle classique des panaches mantelliques associés au volcanisme intraplaque. Tout d’abord, la localisation des provinces magmatiques ainsi que des études géophysiques conduites en périphérie des Alpes laissent présager que chaque région volcanique serait liée à un panache de petite taille. De ce fait, il est considéré que le modèle du panache mantellique n’arrive pas en surface mais se ramifie pour former des panaches secondaires dont un serait localisé sous le Massif Central (fig. 17).

Par ailleurs, il semblerait que la formation des rifts péri-alpins suscite quelques questions. En effet, l’hypothèse selon laquelle la mise en place des Alpes créerait un champ de contraintes extensives au niveau de la lithosphère continentale adjacente semble faire consensus parmi la communauté scientifique. Toutefois, d’autres géologues supposent que l’ensemble des structures géologiques liées au rift Ouest-européen est la conséquence d’un seul panache mantellique.

Ce modèle du point chaud suscite encore des questions auxquelles certains scientifiques tentent de répondre. Mais, en parallèle de cette théorie, d’autres chercheurs travaillent sur une toute autre piste.

Les modèles du rift passif et du rift actif

Figure 18. Modèle de la formation du rift du Massif Central et origine du volcanisme associé (illustration : A. Portal, d’après Merle & Pichon, 2001). A : épisode de rift passif conduisant à l’ouverture de grabens en périphérie de l’arc alpin ; B : épisode de rift actif expliquant le volcanisme du Massif Central. Li : Limagne ; R.M. : Roanne Montbrison ; Br : Bresse.

Figure 18. Modèle de la formation du rift du Massif Central et origine du volcanisme associé (illustration : A. Portal, d’après Merle & Pichon, 2001). A : épisode de rift passif conduisant à l’ouverture de grabens en périphérie de l’arc alpin ; B : épisode de rift actif expliquant le volcanisme du Massif Central. Li : Limagne ; R.M. : Roanne Montbrison ; Br : Bresse.

En 2001, Merle et Pichon créent un modèle dont la première étape correspond à un épisode de rift passif de l’Oligocène supérieur au Miocène inférieur (fig. 18A). Le plongement de la plaque subduite sous les Alpes en formation génère une zone de contraintes extensives sur la lithosphère continentale adjacente. Ce contexte extensif est à l’origine de l’ouverture des rifts du Massif Central. Aussi, ce champ de contraintes extensives s’étalant sur l’ensemble de la plaque en subduction, il est alors possible d’expliquer la présence d’autres grabens en périphérie des Alpes. S’ensuit un épisode de rift actif (fig. 18B). En effet, la racine lithosphérique s’enfonçant dans l’asthénosphère provoque un flux asthénosphérique en direction de la plaque adjacente. Ce flux engendre une érosion thermique et un soulèvement de la lithosphère continentale à l’origine d’un épisode volcanique au sein du Massif Central.

Figure 19. Modèle de cellules convectives asthénosphériques expliquant l’origine du volcanisme du Massif Central (illustration : A. Portal, d’après Meyer & Foulger, 2007). ECVP : European Cenozoic Volcanic Province.

Figure 19. Modèle de cellules convectives asthénosphériques expliquant l’origine du volcanisme du Massif Central (illustration : A. Portal, d’après Meyer & Foulger, 2007). ECVP : European Cenozoic Volcanic Province.

Par ailleurs, un autre modèle a été proposé en 2007 (fig. 19). Celui-ci évoque un amincissement lithosphérique conduisant à une remontée asthénosphérique dans la lithosphère continentale.  Cette ascension asthénosphérique ferait suite à un l’amincissement de la lithosphère provoqué par des structures extensives liées à la subduction alpine. En effet, la remontée de l’asthénosphère forme des cellules de convection sous la lithosphère et entraine la fusion partielle du manteau par décompression adiabatique.

Le volcanisme de la Chaine des Puys dépose en surface des roches volcaniques diversifiées, possédant une gamme de teintes allant du noir au blanc en passant par toutes les nuances de gris. Ces différentes teintes traduisent une diversité de compositions chimiques et minéralogiques.

Les laves de la Chaine des Puys 

La diversité des roches volcaniques de la Chaine des Puys

Figure 20. Évolution des laves de la Chaine des Puys (illustration : E. Force, d’après Boivin et al., 2009).

Figure 20. Évolution des laves de la Chaine des Puys (illustration : E. Force, d’après Boivin et al., 2009).

Les roches volcaniques peuvent être réparties en six classes selon leur composition chimique, avec des teneurs croissantes en silice (SiO2), en oxydes de sodium (Na2O) et de potassium (K2O) : basanites, basaltes, trachybasaltes, trachyandésites et trachytes. Une septième classe se situe à la frontière des trachytes : il s’agit des rhyolithes. Ces roches sont les plus évoluées ou différenciées de la Chaine des Puys (fig. 20).

La particularité de la Chaine des Puys réside dans le fait que les éruptions volcaniques ont été alimentées par des magmas alternativement basiques (45-50% de SiO2) ou intermédiaires (50-60% de SiO2) et acides (60-70% de SiO2). Les premiers magmas sont à l’origine de laves plutôt fluides, les seconds donnent des laves visqueuses.

De plus, la composition chimique détermine la composition minéralogique des roches volcaniques. En observant des échantillons et en s’intéressant plus spécifiquement aux phénocristaux, il est possible de déterminer la roche en question :

  • roche globalement sombre avec des phénocristaux trapus, vert bouteille (olivine) et noirs (pyroxène) : basanite et basalte ;
  • roche sombre avec des phénocristaux noirs (pyroxène) : trachybasalte ;
  • roche claire avec de rares phénocristaux en tablette translucide (feldspath plagioclase) et en baguette noire (amphibole) : trachyandésite ;
  • roche très claire avec des phénocristaux en tablette blanche (feldspath), en lamelle brillante (biotite) et en baguette noire (amphibole) : trachyte.

Cette série volcanique de type alcaline est continue avec toutefois une dominance des basaltes. La source de ces laves a fait également l’objet d’études.

L’alimentation magmatique de la Chaine des Puys

Figure 21. Modalité de l’alimentation magmatique de la Chaine des Puys (illustration : E. Force, d’après A. De Goër & P. Lavina, 1999). 1 : trajet suivi par le magma pour former le Petit Sarcoui ; 2 : trajet suivi par le magma pour former le Lemptégy 1 ; 3 : trajet suivi par le magma pour former le Lemptégy 2 ; 3bis : trajet suivi par le magma pour former le Sarcoui et le Puy Chopine.

Figure 21. Modalité de l’alimentation magmatique de la Chaine des Puys (illustration : E. Force, d’après A. De Goër & P. Lavina, 1999). 1 : trajet suivi par le magma pour former le Petit Sarcoui ; 2 : trajet suivi par le magma pour former le Lemptégy 1 ; 3 : trajet suivi par le magma pour former le Lemptégy 2 ; 3bis : trajet suivi par le magma pour former le Sarcoui et le Puy Chopine.

La communauté scientifique s’accorde aujourd’hui autour d’un modèle expliquant la diversité des laves de la Chaine des Puys (fig. 21). Ce dernier met en évidence deux niveaux de réservoirs magmatiques superposés au sein desquels a lieu une différenciation magmatique. Un premier réservoir collectif profond, situé au sommet du manteau lithosphérique (25-30 km de profondeur), aurait conduit à la formation des basaltes et trachybasaltes émis il y a 90 000 ans. Puis, une série de petits réservoirs indépendants, localisés dans la croûte continentale entre 5 et 15 km de profondeur, serait à l’origine de la formation de laves plus différenciées. Les trachyandési-basaltes ont été produits il y a 45 000 ans, les trachyandésites retrouvées à Lemptégy 2 sont datées à 30 000 ans environ, puis les trachytes ont été émises il y a 14 000 ans.

 

En conclusion, la Chaine des Puys est définie par un champ de volcans monogéniques qui regroupent des édifices simples et complexes. L’activité volcanique de cette région débute entre 100 000 ans et 90 000 ans et est suivie par deux grands épisodes éruptifs : le premier entre 70 000 et 25 000 ans et le second daté entre 15 000 et 9 000 ans. Des études approfondies montrent que cette activité magmatique n’est probablement pas à l’arrêt : il s’agirait d’une période de rémission. Ainsi, des éruptions volcaniques reprendront un jour. Néanmoins, il est actuellement impossible aux géologues de prévoir où, quand et comment un nouvel édifice se formera et quels pourront être les conséquences. Cette absence de réponses ne souligne aucunement un manque de connaissances à propos de la région, mais montre plutôt une limite de la méthode, à l’instar des prévisions météorologiques à long terme. Le risque est tout de même réel, comme le rappelle la présence de trois maars proches de l’agglomération clermontoise.

 

Bibliographie

Boivin P. et al.. Carte volcanologique de la Chaine des Puys. Parc Naturel régional des Volcans d’Auvergne, 2017.

Boivin P. et al.. Volcanologie de la Chaine des Puys. Parc Naturel régional des volcans d’Auvergne, 2009. 200 p..

Brousse R. & Bellon H.. Réflexions chronologiques et pétrologiques sur le volcanisme associé au développement des rifts de France. Bulletin des centres de recherches exploration-production, 1983. n° 7, pp. 409-424.

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