1 Juin 2025
L’hypothèse selon laquelle des paramètres astronomiques auraient une influence sur les climats terrestres a suscité durant plusieurs centaines d’années des débats et a seulement été acceptée par les climatologues et l’ensemble de la communauté scientifique dans les années 1970. L’analyse comparative des données climatiques avec les données astronomiques aussi bien dans le champ temporel que dans l’analyse des fréquences des signaux montrent indéniablement une corrélation étroite entre le forçage astronomique et la réponse du climat de la Terre. Ce constat n’a pu être obtenu qu’après une collaboration entre des astronomes, des paléoclimatologues et des géologues au cours des deux derniers siècles. Aujourd’hui, ces collaborations sont toujours de mises et permettent d’affiner les données et d’expliquer les diverses variations climatiques sur des temps géologiques plus ou moins long.
L’origine astronomique des variations climatiques de la Terre
La théorie des climats se base sur l’idée que les variations séculaires, ou à long terme, des paramètres orbitaux et de la rotation de la Terre entraînent des fluctuations de l’ensoleillement ou de l’insolation reçue au sommet de l’atmosphère terrestre. De plus ces variations peuvent engendrer des changements climatiques dont les manifestations sont parfois enregistrées voire gravées dans des indicateurs paléoclimatiques et certaines séquences géologiques.
Si le Soleil était le seul astre pouvant perturber la révolution de la Terre, son mouvement elliptique ne serait inchangé au cours du temps. Or, la Lune ainsi que d’autres planètes du système solaire perturbent ce mouvement. En conséquence, tous les paramètres dits orbitaux et l’orientation de la Terre sont impactés et fluctuent dans le temps. Les variations de l’insolation à la surface de l’atmosphère de la Terre sont le fruit de changements de la distance entre la Terre et le Soleil ou de changements de son orientation. Trois paramètres contrôlent la distribution de l’énergie solaire au sommet de l’atmosphère.
L’excentricité ou le degré d’aplatissement de l’ellipse par rapport à un cercle
La force d’attraction de la Terre exercée par le Soleil donne initialement un mouvement elliptique à la Terre. Cependant, l’attraction gravitationnelle des autres astres du systèmes solaire participent à la déformation de cette ellipse. En effet, chaque planète, selon sa position ainsi que son éloignement à la Terre, entraine de légères variations de l’excentricité de l’orbite terrestre au cours du temps. De plus, au vu des planètes du systèmes solaires, toutes différentes les unes des autres, il n’est pas envisageable que ces perturbations de l’excentricité s’annulent et n’induisent aucun changement de l’ellipse originelle.
Actuellement, l’excentricité de l’orbite terrestre est très faible. Elle est de l’ordre de 0,017. Les perturbations induites par les autres planètes du système solaire provoquent des variations lentes comprises entre 0 (excentricité nulle, soit une orbite circulaire) et 0,06 (ellipse légèrement aplatie).
Aussi, ces variations de l’excentricité sont le fruit de la combinaison de signaux périodiques. Cette période voisine les 100 000 et 400 000 ans (fig. 1). Une forte excentricité engendre à la fois une diminution de la plus faible distance entre la Terre et le Soleil appelée périhélie, et une augmentation de la distance maximale entre ces deux astres nommée aphélie. Par ailleurs, Laplace démontra en 1772 que la distance dite directe entre périhélie et aphélie ne fluctue pas.
Autre conséquence, les modifications de l’excentricité influencent les contrastes des saisons. Ces dernières sont dues tout d’abord par l’existence d’une inclinaison de l’axe de rotation de la Terre sur elle-même.
L'obliquité de l'axe de rotation de la Terre
L’obliquité caractérise l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport à la normale à l’écliptique. Il s’agit donc de l’angle entre l’axe de rotation et la perpendiculaire au plan orbital de la Terre. Tout comme l’excentricité, l’obliquité évolue au cours du temps. En effet, du fait des perturbations provoquées par les autres planètes du système solaire, l’inclinaison du plan orbital de la Terre varie et oscille. La Terre n’étant pas une sphère, mais présentant une forme légèrement aplatie aux pôles, les forces gravitationnelles exercées par le Soleil et la Lune permettent de faire tourner l’axe de rotation de la Terre autour de la normale au plan de l’écliptique, telle une toupie (mouvement de précession). Le cône alors décrit par l’axe de rotation de la Terre fait un tour en 26 000 ans environ (fig. 2).
La combinaison de ces effets entraîne une oscillation de l’obliquité terrestre d’environ 1,3° autour d’une valeur moyenne de 23,5°. Cette oscillation présente une période d’environ 41 000 ans.
De plus, l’obliquité de l’axe de rotation de la Terre est à l’origine des saisons. Elle module également l’ensoleillement aux différentes latitudes selon les saisons. Si l’obliquité était nulle, alors aucune saison ne serait constatée sur Terre. Par ailleurs, le climat des hautes latitudes est sensible aux changements de l’obliquité, ce qui n’est pas le cas des régions proches de l’équateur.
La précession des équinoxes
L’origine de la précession des équinoxes est assez complexe à définir. En effet, le mouvement décrit par l’axe de rotation de la Terre provoque un décalage régulier de la position des solstices et des équinoxes. Les solstices correspondent aux moments où le Soleil atteint ses positions les plus méridionale et septentrionale par rapport au plan de l'équateur terrestre. Les équinoxes sont les instants de l'année où le Soleil traverse le plan équatorial de la Terre : les durées du jour et de la nuit sont alors égales.
Aussi, l’orbite terrestre tourne autour du Soleil. Ainsi la position de la Terre sur l’ellipse à un instant précis de l’année évolue dans le temps. Ce phénomène se réalise sur des périodes de 19 000 et 23 000 ans environ (fig. 3).
Les diverses variations décrites précédemment affectent l’insolation journalière et saisonnière à toutes les latitudes de la Terre. Par ailleurs, sur le dernier million d’années, les fluctuations de l’insolation ont parfois atteint une valeur moyenne de 20% au niveau des hautes latitudes, entrainant alors des bouleversements du climat terrestre. Ces derniers présentent des périodes correspondant approximativement aux différents paramètres astronomique cités ci-avant, plus communément appelés paramètres de Milankovitch.
Les variations des paramètres orbitaux de Milankovitch au cours du Quaternaire : explications des périodes glaciaires
L’idée d’une influence astronomique sur les climats terrestre a longtemps été critiquée et très souvent réfutée par la communauté scientifique avant les 1970. À partir de ces années, la comparaison des données climatiques avec les données astronomiques à la fois dans l’aspect temporel que dans l’analyse des fréquences des signaux montrent, d’une manière irréfutable, une corrélation entre le forçage astronomique et les variations du climat de la Terre.
Figure 4. Le Quaternaire et ses variations de CO2 atmosphérique (a) et de températures (b) (illustration : E. Force, d’après Petit, 1999).
En effet, le Quaternaire se caractérise par des cycles climatiques rapides et de grande amplitude (fig. 4). Ceux-ci sont imputés aux paramètres de Milankovitch, avec notamment une période très marquée de 100 000 ans. Ces cycles sont associés à un changement du volume des glaces polaires, et par conséquent à une fluctuation du niveau de la mer.
Figure 5. Les variations des paramètres orbitaux de la Terre sur les 800 000 dernières années (illustration : E. Force, d’après Crowley & North, 1991).
La théorie astronomique des changements climatiques, également nommée théorie de Milankovitch, explique les changements des saisons en relation avec des variations de l’orbite terrestre autour du Soleil. Cette théorie formulée par Milutin Milankovitch estime que les variations lentes de l’orbite terrestre sont dues aux diverses interactions avec les autres astres du système solaire. Trois composantes principales ressortent de cette théorie, à savoir l’excentricité, l’obliquité et la précession (fig. 5).
Figure 6. Les variations isotopiques de l’eau de mer et des tests de foraminifères benthiques en lien avec les fluctuations du niveau marin (illustration : E. Force).
Par ailleurs, il est possible de reconstituer les variations du volume de glace en utilisant des mesures isotopiques de l’oxygène au sein de la calcite (CaCO3) composant les coquilles de foraminifères benthiques. Les variations en 18O de l’eau de mer peuvent être en lien avec les changements du volume des glaces (fig. 6). Par exemple, en période glaciaire, le niveau de la mer était de -130 m par rapport au niveau marin actuel. Ainsi, le 18O de l’océan était à une valeur supérieure à celle d’aujourd’hui (+1,5‰). Une mesure du 18O dans les tests calcaires des foraminifères offre donc la possibilité de reconstruire les variations du volume des glace sur des temps longs (plusieurs millions d’années).
Figure 7. Relations entre les variations du volume des glaces et les changements cumulatifs des paramètres orbitaux de la Terre (illustration : E. Force).
La compréhension des origines de l’alternance entre périodes glaciaires et interglaciaire au cours du Quaternaire passe par l’explication de deux cas extrêmes parmi de nombreuses autres possibilités. Pour la période glaciaire, l’orbite terrestre est pratiquement circulaire. Cela traduit une excentricité faible. De ce fait, un faible contraste saisonnier et une configuration favorable à la formation de glace aux pôles sont constatés. À l’opposé, en période interglaciaire, une configuration orbitale extrême serait de considérer une importante excentricité, une forte inclinaison et une faible distance Terre-Soleil en été. De cela, la formation de glace serait réduite et des saisons très contrastées seraient observées (fig. 7).
Par conséquent, les variations périodiques des paramètres orbitaux de la Terre sont des stimulateurs des périodes glaciaires. En effet, au cours du dernier million d’année, on remarque une dizaine de périodes glaciaires.
D’une façon théorique, les calculs de mécanique céleste et les intégrations numériques permettent de dessiner l’évolution des paramètres orbitaux tels que l’excentricité et l’obliquité de la Terre mais également des autres planètes sur quelques millions d’années. En ce sens qu’il est possible de prévoir sur quelle planète des changements climatiques importants seront attendus. Ceci reste néanmoins spéculatif.
Un problème majeur se pose, l’Homme n’a encore jamais pu récupérer d’échantillons sur d’autres planètes qui puissent être exploités en tant qu’archives paléoclimatiques. De ce fait, les travaux réalisés sur Terre servent à extrapoler pour d’autres astres.
Figure 8. La calotte Nord de la planète Mars (illustration : NASA/JPL/Malin Space Science System, 2005).
Cependant, le cas de Mars se démarque dans la mesure où l’ensemble des données spatiales de cette planète a montré la présence de changements climatiques semblant se produire sur des échelles de temps proches de celles des paramètres de Milankovitch. L’hypothèse reste toutefois encore à creuser. Un des exemples les plus significatifs est la présence de sédiments ou strates polaires ayant probablement façonnés la calotte Nord à la suite des changements climatiques à la surface de Mars (fig. 8).
Bibliographie
Crowley T.J. & North G.R.. Paleoclimatology. Oxford University Press, 1991, 339 p.. ISBN 0-19-503963
Helmke J.P. et al.. Development of glacial and interglacial conditions in the Nordic seas between 1.5 and 0.35Ma. Quaternary Science Reviews, 2003. n° 22, pp. 1717-1728.
Leng M.J.. Isotopes in Paleoenvironmental Research. Springer, 2006. ISBN 978-1402025044
Petit J.R. et al.. Climate and atmospheric history of the past 420,000 years from the Vostok ice core, Antarctica. Nature, 1999. n° 399, pp. 429-436.
Tiedmann R. et al.. Astronomic timescale for the Pliocene Atlantic d18O and dust flux records of Ocean Drilling Program Site 659. Paleooceanography, 1994. n° 9, pp. 619-638.