1 Février 2021
La Corse en née d’un découpage de la lithosphère terrestre, conséquence de la tectonique des plaques, il y a environ 30 millions d’années. Dix millions d’années plus tard, après s'être détachée du sud de la France, elle entama sa lente dérive au sein de la mer Méditerranée (fig. 1).
Puis, il y a 6 millions d’années, la Méditerranée s’assécha suite à la remontée de la plaque Afrique en direction de la plaque Eurasie fermant ainsi cette dernière au niveau de Gibraltar. Un million d’années plus tard, le détroit de Gibraltar s’est rouvert entrainant une augmentation du niveau marin de la Méditerranée. Au cours du dernier million d’années, la présence d’un climat froid et de glaces dans cette région du globe causa une faible baisse du niveau des eaux de la mer Méditerranée. Aujourd'hui, la Corse est une île, riche de par son histoire géologique racontée en deux temps : la Corse ancienne et la Corse alpine.
La Corse ancienne ou hercynienne
Figure 2. Carte géologique simplifiée de la Corse et légende associée (modifié d'après Ferrandini et al., 2010).
La Corse hercynienne ou ancienne se compose d’un vieux socle datant du Précambrien (fig. 2) représenté par des séries majoritairement terrigènes évoluant en roches métamorphiques tels des gneiss catazonaux ou mésozonaux suite à leur enfoncement vers la base de la croûte continentale. Plus au sud de Calvi, à Galéria, il est possible de remarquer des flyschs du Dévonien supérieur et du Carbonifère inférieur surmontant en discordance le socle.
Aussi, un vaste batholithe granitique de 400 km de long, partant de Calvi jusqu’à l’extrême Sud de la Corse, a été mis en place au cours du Carbonifère, entre 350 et 300 millions d’années (fig. 2).
Il s’agit de granitoïdes calco-alcalins de types variés, mais souvent gris et altérables (fig. 3). À leur voisinage, ces derniers transforment les schistes paléozoïques en cornéennes par métamorphisme de contact.
Figure 4. Orgues basaltiques rhyolitiques, réserve naturelle de Scandola (crédit photo : F. Cregut).
Ensuite, au nord de la ligne Porto-Corte, est constatée une série détritique comportant des traces de houille du Carbonifère supérieur, puis d’anciennes formations volcaniques calco-alcalines, andésitiques et rhyolitiques (fig. 4) datées au début du Permien, et qui recouvrent le pluton granitoïde carbonifère en partie érodé.
Toutes les formations précédemment décrites sont traversées par de nouveaux granites datés du Permien supérieur. Ces derniers sont des granites alcalins, majoritairement rouges et constituent les reliefs de la région du golfe de Porto (fig. 5), notamment à Bavella et Porto-Évisa.
Figure 6. Schéma structural de la région de Scandola et légende associée (illustration : J.-J. Cochemé).
L’étude des plutons de la région de Scandola montre des formations parfois annulaires et linéaires (fig. 6). Aussi, l’effondrement des parties hautes des édifices du Monte Cinto ou de la péninsule de Scandola permettent l’accumulation de produits pyroclastiques et de lahars au sein des caldeiras.
Figure 7. Schéma structural de la région au Sud de Corte (d'après Ferrandini et al., 2010). R : marbre de la Restonica, C : marbre de Corte. 1 : socle métamorphique, 2 : granites, 3 : marbres (Malm), 4 : brèches (Crétacé supérieur), 5 : conglomérat et grès (Éocène), φ1 : contact anormal de base de l’unité de Corte, 6 : dolomies (Norien), 7 : calcaires plaquetés et brèches (Lias), 8 : « conglomérat vert », 9 : brèches chaotiques et schistes à bloc, φ2 : contact anormal de base de la nappe des schistes lustrés, 10 : « roches vertes ».
Sur le bord oriental du socle hercynien, sont remarqués des résidus de terrains mésozoïques transgressifs (fig. 7) comme le mince Trias sur les flancs du massif du Tenda, des calcaires massifs du Malm ou encore des conglomérats verts. Pour finir, il est possible d’observer une épaisse série détritique éocène comportant des conglomérats et des calcaires à grands Foraminifères, datant du Paléocène au Lutétien selon les endroits. Ces diverses formations sont discordantes sur tous les terrains décrits précédemment.
En somme, la Corse ancienne ou hercynienne se compose de roches granitiques, métamorphiques et volcaniques, formées entre 350 et 240 millions d’années. Cette Corse hercynienne occupe les deux tiers de l’île à l’Ouest de la ligne Calvi-Solenzara. C’est ici que l’on trouve les sommets les plus élevés et un littoral escarpé prolongé de canyons sous-marins.
Qu'en est-il du dernier tiers de l'île ?
La Corse alpine
Figure 8. Coupe géologique synthétique à l’échelle crustale orientée Ouest-Est au niveau du massif de Tenda (d'après Ferrandini et al., 2010).
À l’Est de la Corse ancienne viennent chevaucher les unités de la Corse alpine (fig. 8). De plus, des mouvements tardifs telles des fractures à composante verticale et coulissante ont redressé ce contact. Aussi, dans la région de Niolu, plusieurs unités sédimentaires et continentales s’intercalent entre le socle hercynien occidental écaillé et les schistes lustrés plus à l’Est. Le massif hercynien du Tenda s’interpose entre les plis synclinaux de Balagne, où la nappe de Balagne est bien conservée, et du Nebbio au sein duquel le terrain allochtone de Saint-Florent jouxte les schistes lustrés et les dépôts post-nappes datés du Miocène (fig. 8).
À l’Est Nord-Est de la Corse, dans une bande allongée presque Nord-Sud allant de la Balagne à Ghizonaccia, il est possible de remarquer des écailles tectoniques dans lesquelles ont été recensés des granites, des couches paléozoïques secondaires mais aussi tertiaires dont la provenance est encore aujourd’hui discutée.
Figure 9. A : schéma structural de la nappe de Balagne et B : coupe géologique synthétique de la nappe de Balagne correspondant au trait de coupe de la carte (d'après Ferrandini et al., 2010). Terrains autochtones : 1 : socle varisque, 2 : Quaternaire, 3 : Éocène avec olistolite. Terrains allochtones : 4 : zone des écailles, 5 : formation de l’Annunciata, 6 : flysch de Narbinco, 7 : formation de l’Alturaia, 8 : couverture "Jurassique supérieur à Crétacé supérieur" des laves en coussins, 9 : laves en coussins.
De plus tout au Nord de cette zone, la nappe de Balagne comporte des lambeaux de lithosphère océanique ou ophiolites, en plus d’une couverture sédimentaire crétacée et tertiaire (fig. 9).
La région Nord-Est de la Corse montre une importante quantité de schistes lustrés identiques à ceux que l’on peut retrouver dans les Alpes. Ces derniers reposent sur des ophiolites. Aussi, ces deux dernières formations ont une origine océanique et sont datées de 170 à 60 millions d’années environ.
Quelques éléments à propos de l'histoire géologique de la Corse
L’histoire géologique de la Corse occidentale est essentiellement hercynienne. En effet, la chaîne hercynienne est née de la convergence de deux masses continentales ayant formé la Pangée. Les roches granitoïdes du socle hercynien font partie du batholithe corso-sarde. Ces dernières sont datées entre 350 et 320 millions d’années. Tout terrain antérieur à cette formation est rare et très souvent métamorphisé. De plus, l’érosion du socle a fortement diminué l’épaisseur de la couche granitique provoquant ainsi une diminution de la pression à la partie inférieure, à l’origine d’une fusion partielle de certaines roches. Aussi, l’altération du socle varisque a entraîné la formation de conglomérats.
Plus tard, à la suite d’un effet thermique de convection dans le manteau provoquant un déséquilibre dans la rotation de la Terre par la remontée d’une grande masse lithosphérique, la dislocation de la Pangée et plus particulièrement l’étirement de la croûte continentale dans la région considérée entraîna à nouveau une baisse de la pression à l'origine de magmas et de complexes alcalins anorogéniques. Les rhyolithes nouvellement formées se sont déposées sur le socle granitique des caldeiras existantes et ont provoqué leur effondrement. Ceci se répètera plusieurs fois et sera à l’origine des formations d’ignimbrites de Scandola par exemple.
S’ensuit un enfoncement des marges du continent Laurasia, après la naissance de l’océan Thétys, recouvrant une bonne partie de ce dernier. La Thétys recouvre également la future Corse. Pour preuve, il est possible d’observer l’ancien plancher océanique avec des basaltes en coussin à certains endroits. Il est à noter que peu de sédiments se sont déposés sur la partie Ouest de la future Corse du fait d’une faible profondeur océanique à ce niveau. Ensuite, l’ouverture de l’océan Atlantique a provoqué la fermeture de la Thétys. La subduction et l’enfoncement des quelques sédiments ont engendré la formation des schistes lustrés. Cependant, il est possible que ces sédiments n'aient pas subducté correctement et aient connu un charriage voire rétrocharriage comme observé à Corte. Aussi, une partie du plancher océanique ne s’est pas enfoncée et est passée en obduction comme dans le Cap Corse par exemple.
Enfin, la collision continentale entre l’Apulie et la Laurasie est à l’origine de l’orogenèse alpine. En effet, suite à cette collision continentale, l’ensemble corso-sarde s'est détaché du continent Eurasie vers 30 millions d’années et apparaît alors un nouveau plancher océanique avec de grands bassins d’effondrement associés à ce rifting comme le bassin de Saint-Florent par exemple.
Bibliographie et sitographie
Anonyme. Voyage géologique en Corse. In Atelier « Paléo » [en ligne]. Ateliers de géologie de l’Université Inter Ages du Dauphiné, 2007 [consulté le 28 juillet 2020]. Disponibilité et accès sur : http://atelierpaleos.fr/alpesgeo2003/1%20cr%20sorties/crs-corse/D11%20LA%20CORSE%20GEOLOGIQUE.htm
Aubouin J. et al.. France (Le territoire et les hommes) - Géologie. In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopaedia Universalis [consulté le 31 juillet 2020]. Disponibilité et accès sur : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/france-le-territoire-et-les-hommes-geologie/
Ferrandini M. et al.. Les chemins de pierres et d’eau. CRDP de Corse, 2010. 123 p.. ISBN 978 286 620 236 1