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Les bio-essais en toxicologie environnementale

Au cours des dernières décennies, les inquiétudes liées aux multiples dangers pour la santé humaine ainsi que les questionnements quant à la dégradation de l’environnement par les activités de l’Homme, se voient aujourd’hui en grande partie justifiées.

En effet, l’humanité, et plus spécifiquement les pays riches et en voie de développement, connaissent des progrès majeurs offrant une amélioration du niveau de vie des individus. Néanmoins, cette incessante progression s’accompagne d’une pollution croissante des milieux naturels par l’Homme.

En cela, se présente la nécessité d’une évaluation adéquate de la qualité de l’environnement. Cette dernière demande des moyens de prospection et d’évaluation de la toxicité à court comme à long terme, aussi bien des micropolluants que des rejets industriels complexes dans les milieux naturels.

La plupart des écosystèmes, et notamment les écosystèmes aquatiques, de par leur rôle de réceptacle final, montrent des problèmes liés à des pollutions accidentelles ou diffuses. À partir des années 1980, les milieux naturels aquatiques ont constitué des sujets d’élaboration et d’application de modèles écotoxicologiques permettant d’évaluer les impacts d’une pollution. À la suite d’une première prise de conscience relative à la pollution des milieux aquatiques par l’Homme, de nouvelles préoccupations environnementales sont nées. Celles-ci traitaient d’autres écosystèmes et notamment des sols. L’utilisation des nombreux tests biologiques adaptés aux milieux aquatiques ne suffisait plus à l’étude des autres écosystèmes soumis à une pollution. C’est ainsi que de nouvelles études ont mis en lumière l’impact des toxiques dans ces autres milieux naturels.

D’ailleurs, il n’est pas sans signaler que l’élaboration ainsi que la validation d’outils et de modèles écotoxicologiques d'évaluation et de prédiction des effets répondent, en premier lieu, à des préoccupations scientifiques, mais aussi, aux multiples attentes des industriels, autorités et autres instances chargées de la réglementation et du contrôle.

Cette approche écotoxicologique est tout d’abord complémentaire à l’approche analytique employée jusqu’alors dans le domaine de l’évaluation de la qualité des milieux naturels. Cette approche analytique se contente de déterminer les niveaux de contaminations par divers polluants au sein de l’environnement. Elle ne prend donc pas en considération les effets de ces toxiques sur la biocénose.

Par ailleurs, l’approche analytique suppose que les polluants sont identifiables, et ce, malgré qu’ils soient en nombre relativement restreint. Or, ceci est rarement le cas. En effet, le contenu chimique n’offre aucune indication quant aux phénomènes de synergie et d’antagonisme entre les polluants, sur les quantités biodisponibles ou déjà accumulées dans les organismes et potentiellement échangeables avec le milieu naturel et accumulable dans les réseaux trophiques. Ainsi, une telle approche ne renseigne pas sur la toxicité des milieux étudiés vis-à-vis des êtres vivants.

C’est alors que la réponse biologique globale, permise par les bio-essais entre autres, comble ce manque et met en avant les phénomènes d’interactions entre les micropolluants et leur biodisponibilité réelle dans l’environnement pollué.

Ici, dans cette article, nous tâcherons de situer et d’argumenter l'intérêt des bio-essais écotoxicologiques d’un point de vue de l’évaluation des risques en se référant à des bio-essais menés sur des organismes modèles dans divers milieux, et utilisés à l’international.

L'écotoxicologie et ses principaux concepts

L’écotoxicologie se définit comme la science étudiant les modalités de dispersion des agents polluants dans la biosphère et les mécanismes par lesquels s’effectue la contamination des différents écosystèmes.

D’abord, l’écotoxicologie se préoccupe de connaître le devenir des polluants et leurs impacts sur les milieux naturels. Puis, elle se concentre sur le développement de méthodes d’essais pour prédire, détecter ainsi que contrôler ces impacts.

La toxicité des polluants est évaluée à partir de plusieurs approches : les bio-essais, les bio-marqueurs et l'exploitation des études intégrées sur mésocosme ainsi qu’in situ.

Dans la suite de cet article, nous nous intéresserons exclusivement aux bio-essais.

Une diversité de bio-essais pour une diversité de milieux naturels

Notion de bio-essai

Figure 1. Exemple d’une courbe dose-réponse (concentration-effet) et des valeurs remarquables (illustration : E. Force, d’après Devez, 2004 et Forbes et al., 1997).

Figure 1. Exemple d’une courbe dose-réponse (concentration-effet) et des valeurs remarquables (illustration : E. Force, d’après Devez, 2004 et Forbes et al., 1997).

Un bio-essai est un test expérimental réalisé dans le but d’identifier le potentiel toxique d’une substance ou bien d’un mélange de substances par la réponse biologique de l’être vivant test. Il offre la possibilité de déterminer les concentrations avec effets (CE10, CE50, LOEC, etc.) ou sans effets (NOEC) (fig. 1).

Lors de la réalisation d’un bio-essai, les paramètres mesurés ou observés sont la survie, la taille, la croissance, le nombre de descendants et tout autre paramètre biochimique ou physiologique aisément quantifiable. Les observations se font sur des temps d’exposition variables, permettant de distinguer deux types de tests :

  • les tests aigus se réalisent sur des temps d’exposition courts, de quelques heures à quelques jours ;
  • les tests chroniques s’effectuent sur des temps d’exposition prolongés pouvant durer tout le cycle de vie de l’organisme, voire au-delà.

Au sein des tests aigus, la valeur recherchée est la CE50, ou concentration effective de 50%. Elle se définit comme la concentration en toxique provoquant un effet de 50% comparé aux témoins. En outre, les tests chroniques se focalisent sur deux valeurs : la NOEC (No Observed Effect Concentration), soit la plus grande concentration dont l’effet sur les êtres vivants ne diffère pas de celui des témoins, et la LOEC (Lowest Observed Effect Concentration) étant la plus faible concentration qui engendre un effet statistiquement différent des témoins.

Les bio-essais normalisés

D’après Calow (1997), un test d’écotoxicologie se doit de répondre à la règle des 5R (en anglais) :

  • Relevance : réalisme, pertinence ou représentativité. L’être vivant choisi pour le test est représentatif du milieu évalué. Par exemple, un Ver de terre représente les organismes du sol du fait de sa présence abondante et de son importance dans cet écosystème.
  • Reliability : fiabilité. Le test utilise une méthode fiable pouvant être appliquée à n’importe quel moment.
  • Repeatability : répétabilité. Si le test est répété, il conduit à des résultats variant peu.
  • Reproducibility : reproductibilité. Si plusieurs laboratoires réalisent le test sur une même substance, ces derniers doivent obtenir des résultats semblables.
  • Robustness : robustesse. Une technique est dite robuste lorsque celle-ci est susceptible d’être utilisée par n’importe quelle personne moyennement entraînée ou formée.

Il est évident que l’ensemble des tests présentés ci-après ne possèdent pas toutes les qualités décrites précédemment. Pour autant, ils restent couramment utilisés en raison de leur rapidité et de leur relative facilitée d'exécution. De plus, ces tests ont l’avantage d’être standardisés. En effet, des normes décrivent les protocoles exacts utilisés dans ces tests, offrant l’opportunité de comparer les résultats obtenus par divers laboratoires.

Ces tests sont appliqués pour évaluer la toxicité d’une substance ou d’un prélèvement à partir d’un milieu, aussi bien aquatique que terrestre.

Les tests d'écotoxicité aquatique et les Daphnies : exemples des bio-essais de la mobilité (ISO 6341) et de la reproduction (OCDE 211)

Figure 2. A : Daphnia magna adulte femelle (crédit photo : Watanabe) ; B : anatomie de Daphnia magna adulte femelle (illustration : E. Force, d’après Ebert et Ebert, 2005).

Figure 2. A : Daphnia magna adulte femelle (crédit photo : Watanabe) ; B : anatomie de Daphnia magna adulte femelle (illustration : E. Force, d’après Ebert et Ebert, 2005).

Parmi les tests les plus utilisés en écotoxicologie pour étudier la toxicité à court terme, figure le test d’inhibition de la mobilité d’un Crustacé : la Daphnie (Daphnia magna) (fig. 2).

Le test d'inhibition de la mobilité des Daphnies appliqué selon la norme ISO 6341 est utilisé afin de déterminer, vis-à-vis de Daphnia magna, la toxicité aiguë des substances chimiques solubles, maintenues en suspension ou bien en dispersion stable dans les conditions d’essai des effluents industriels, urbains et des eaux de surfaces et souterraines naturelles.

L’étude de la toxicité chronique est également possible avec les Daphnies. En détail, il existe deux tests de reproduction normalisés chez les Daphnies : le test de reproduction 21 jours sur Daphnia magna et le test 7 jours sur Ceriodaphna dubia. Ces deux tests consistent à étudier l’effet des toxiques sur la capacité reproductrice des Daphnies exposées.

D'autres tests normalisés sont utilisés en écotoxicité aquatique

Figure 3. Vibrio fischeri observée en microscopie optique (crédit photo : E. Nelson & L. Sycuro).

Figure 3. Vibrio fischeri observée en microscopie optique (crédit photo : E. Nelson & L. Sycuro).

Des essais de toxicité aiguë emploient certaines bactéries ou poissons. Par exemple, le test microtox permet d’évaluer la toxicité aiguë d’une ou de plusieurs substances vis-à-vis d’une bactérie : Vibrio fischeri. Cette dernière est une bactérie aquatique émettant naturellement des photons par bioluminescence (fig. 3).

En présence de toxiques, la bactérie montre un métabolisme affecté. En effet, une atténuation de la bioluminescence est constatée. Cette propriété chimique offre la possibilité de déterminer la concentration en substances toxiques testées diminuant de 50% le métabolisme de Vibrio fischeri (CI50).

Figure 4. Danio rerio (crédit photo : Azul).

Figure 4. Danio rerio (crédit photo : Azul).

Aussi, le test de survie des poissons vise à évaluer la toxicité aiguë d’une substance sur une espèce de poisson d’eau douce, en l'occurrence ici, le Poisson zèbre (Danio rerio) (fig. 4).

Pour cela, l’étude du développement de Danio rerio permet de connaître la concentration en polluant provoquant une mortalité de 50% des individus (CL50).

Figure 5. Pseudokirchneriella subcapitata (crédit photo : Gosset).

Figure 5. Pseudokirchneriella subcapitata (crédit photo : Gosset).

Par ailleurs, certains tests permettent d'étudier la toxicité à long terme. Il s’agit du test algues. Ce test évalue la toxicité chronique d’une substance pour des algues aquatiques, et plus spécifiquement Pseudokirchneriella subcapitata (fig. 5).

En pratique, le test consiste en la mesure de la croissance de l’algue après 72h d’exposition au toxique ou au prélèvement d’eau à tester. Des composés peuvent entraîner une inhibition de la croissance de l’algue signifiant une toxicité vis-à-vis de l’algue testée, et plus largement, une toxicité pour la flore aquatique.

Les tests normalisés d'écotoxicité terrestre

Les tableaux ci-dessous compilent l’ensemble des tests d’écotoxicité aquatiques et terrestres utilisés pour évaluer la toxicité de polluants sur divers organismes.

Tests d'écotoxicité en eau douce (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité en eau douce (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de sédiments en eau douce (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de sédiments en eau douce (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité en eau marine (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité en eau marine (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de sédiments en eau marine (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de sédiments en eau marine (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de sols (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de sols (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de l'air (illustration : E. Force).

Tests d'écotoxicité de l'air (illustration : E. Force).

Parmi les nombreux bio-essais d’écotoxicité, ceux utilisant des organismes de petite taille sont de plus en plus employés du fait de leur coût moindre, de leur durée généralement plus courte et de leur plus grande facilité de manipulation automatique. Par exemple, des microbio-essais avec des Puces d’eau sont appréciés dans les évaluations de l’identification et de la réduction de l’écotoxicité des effluents industriels. Ces évaluations demandent plusieurs répétitions du même bio-essai avec une multitude de fractions chimiques d’un effluent jusqu’à révéler les composés responsables de sa nocivité, et regarder ensuite l’efficacité de leur réduction.

Au-delà de l’échelle de l’organisme, des bio-essais peuvent s’appliquer aux niveaux cellulaire et moléculaire.

Des bio-essais à l'échelle cellulaire et moléculaire : tests de génotoxicité et de cancérogénécité

Les tests de génotoxicité et de cancérogénicité permettent d’évaluer respectivement la toxicité de polluants sur l’ADN et la faculté à induire un cancer chez un organisme.

Figure 6. Principe du test comète (illustration : E. Force, d’après Gines, 2013).

Figure 6. Principe du test comète (illustration : E. Force, d’après Gines, 2013).

Par exemple, le test comète mesure les cassures de l’ADN provoquées par un polluant appelé agent génotoxique. Après avoir procédé à une électrophorèse, technique classique en biologie moléculaire, l’observation des noyaux est un indicateur de la génotoxicité. En effet, les noyaux, dont l’ADN ayant subi des cassures dues au polluant, montrent une forme faisant penser à une comète (fig. 6).

En pratique, comment se déroule une expérimentation sur un modèle biologique ?

Les expérimentations de recherche sur des modèles biologiques : exemples des effets d'un mélange de perturbateurs endocriniens sur la reproduction d'un Mollusque

Au sein des laboratoires ayant des activités de recherche en écotoxicologie tels INERIS, les scientifiques pratiquent des expériences plus complexes que les bio-essais dits classiques vus ci-avant. Ces dernières sont employées pour évaluer la toxicité de composés ou de prélèvements, mais plus largement, favorisent la compréhension des mécanismes responsables de cette toxicité comme la bio-accumulation des polluants, les mécanismes de défenses des organismes, les mécanismes d’action des composés toxiques, les facteurs ayant un rôle dans cette toxicité : température, teneur en oxygène, âge de l’individu considéré, etc..

Ici, l’expérience consiste à exposer des Mollusques à un mélange de perturbateurs endocriniens – substance affectant la reproduction, la croissance ou le développement d’un être vivant – pour lesquels les concentrations ont été établies afin d’être représentatif des teneurs mesurées dans les eaux de surface.

Aujourd’hui, si la connaissance des effets des perturbateurs endocriniens lorsqu’un organisme est exposé à une seule substance semble établie, les effets de plusieurs composés en mélange sont en revanche bien moins connus. De nombreuses études ont montré que si les composés sont présents en concentration n’induisant aucun effet à eux seuls, un mélange de ces diverses substances dans les mêmes concentrations entraîne des effets notables sur les individus.

Figure 7. Effets de composés oestrogéniques mesurés par test YES (d’après Silva et al., 2002). 1 à 8 : effets des composés testés individuellement ; ES : somme arithmétique des effets individuels mesurés pour les huit composés ; CA : modèle de prédiction « addition des concentrations » ; MIX : effets mesurés des substances testées en mélange.

Figure 7. Effets de composés oestrogéniques mesurés par test YES (d’après Silva et al., 2002). 1 à 8 : effets des composés testés individuellement ; ES : somme arithmétique des effets individuels mesurés pour les huit composés ; CA : modèle de prédiction « addition des concentrations » ; MIX : effets mesurés des substances testées en mélange.

Ce phénomène est illustré par l’étude de Silva et al. (fig. 7). Au sein de cette dernière, les scientifiques ont testé l’effet de huit composés oestrogéniques à l’aide d’un test évaluant la virulence de l’effet perturbant, aussi nommé potentiel oestrogénique : il s’agit du test YES. Les résultats obtenus mettent en lumière que l’effet de chacun des composés pris séparément est nul. De plus, la somme de ces effets reste relativement faible (0,02 a.u. environ). Néanmoins, le mélange des composés induit des effets conséquents (0,4 a.u.). Un mélange de composé provoque parfois des effets plus importants que ceux engendrés par des composés seuls. Mais, il est aussi possible de constater le phénomène opposé : dans un mélange, les effets de diverses substances peuvent s’annuler.

Aussi, dans l’environnement, ces perturbateurs endocriniens sont souvent présents en mélange. De ce fait, étudier l’effet de ceux-ci en mélange est plus représentatif que s'intéresser à l’effet de chacun de ces composés.

En détail, l’animal est exposé à trois molécules : le bisphénol A (BPA), l’octylphénol (OP) et le nonylphénol (NP). Ces trois substances ont été choisies pour :

  • leur production en grande quantité : le BPA, l’OP et le NP sont des produits très utilisés dans l’industrie ;
  • leur présence dans les milieux aquatiques : ces molécules se retrouvent à des concentrations allant jusqu’à plusieurs dizaines de microgrammes par litre ;
  • leur capacité à être bio-accumulée : ces molécules peuvent s’accumuler dans les tissus graisseux des organismes ;
  • leurs effets en tant que perturbateurs endocriniens : ces trois molécules sont connues pour être des perturbateurs endocriniens chez les Mammifères.
Figure 8. Augmentation de la production d’embryons chez le Mollusque Potamopyrgus antipodarum après exposition au bisphénol A (d’après Jobling et al., 2004).

Figure 8. Augmentation de la production d’embryons chez le Mollusque Potamopyrgus antipodarum après exposition au bisphénol A (d’après Jobling et al., 2004).

De plus, des études présentent leurs effets sur la reproduction des Mollusques : il s’agit d’effets reprotoxiques. En particulier, une étude a mis en évidence une augmentation de la production d’embryons de Potamopyrgus antipodarum quand cet animal était exposé au BPA (fig. 8).

Le choix de ce modèle biologique n’est pas anodin. Potamopyrgus antipodarum est étudié pour les raisons suivantes :

  • Il s'agit d’une espèce répandue dans un grand nombre de milieux, aussi bien en eau douce qu’en eau saumâtre. En ce sens, il est représentatif de divers milieux.
  • Ce Mollusque est une espèce euryèce : il tolère de nombreux stress tels que des variations de température, de teneur en dioxygène, de taux de matière organique, etc..
  • Potamopyrgus antipodarum est facile à élever et à transporter.
  • Cette espèce présente un mode de reproduction sexuée atypique. En effet, la majorité des individus en Europe sont des femelles et se reproduisent par pathénogenèse, à l’origine d’une faible variabilité génétique entre les individus.
  • Cet animal est très sensible aux perturbateurs endocriniens comme le BPA, OP, et d’autres.

En pratique, cette expérimentation consiste à disposer des individus Potamopyrgus antipodarum dans des béchers remplis d’eau, de nourriture ainsi que d’un mélange de trois polluants : le BPA, le OP et le NP. Différentes concentrations en polluants sont testées dans l’optique de reproduire ce qui est souvent observé dans les cours d’eau. De plus, des béchers témoins – comprenant de l’eau, de la nourriture mais sans polluants – sont disposés dans un but comparatif avec les béchers contenant diverses concentrations en polluants. Cette expérimentation dure plusieurs semaines et permet de mettre en évidence d’éventuels effets chroniques du mélange de polluants sur l’organisme modèle étudié.

Tout du long de l'expérience, plusieurs paramètres sont mesurés et suivis :

  • la survie des individus ;
  • la reproduction : mesure du nombre d’embryons présents au sein des individus.
  • la concentration des polluant dans les organismes ;
  • autres paramètres : réserves énergétiques, taux d’hormones, histologie, etc..

À l’issue de l’expérience, après avoir suivi les différents paramètres sur plusieurs jours, une analyse des résultats est effectuée. Des hypothèses peuvent être posées pour expliquer ces résultats. Ici, dans le cadre de cette expérimentation, il est possible de comparer la reproduction des individus soumis au mélange de polluants avec ceux baignés dans un seul polluant. Cela permet de mettre en lumière une éventuelle synergie des polluants considérés.

L’obtention de ces résultats permet ensuite d’évaluer les risques liés à une ou plusieurs substances polluantes envers l’organisme modèle étudié, et plus largement, envers la biocénose toute entière.

Exploitation des données de toxicité dans l'évaluation du risque

L’évaluation du risque d’une substance demande à étudier deux paramètres : tout d’abord, la probabilité d’exposition à la substance, puis, la gravité des effets potentiels résultant de cette exposition.

Dans ce but, une méthode de prévention des risques liés aux substances chimiques a été développée par la communauté européenne. Celle-ci se base sur la comparaison entre la Predicted No Effect Concentration (PNEC) et la Predicted Environnemental Concentration (PEC).

La PNEC, dérivée à partir des CE50 et NOEC disponibles, est définie comme la concentration en dessous de laquelle des effets à long terme sur l’environnement sont observables. Cette valeur est obtenue par application d’un facteur de sécurité (entre 10 et 1 000) sur les plus faibles valeurs de toxicité disponibles. Ce facteur de sécurité dépend du type de test : aigu, chronique ou encore in situ, et du nombre de données disponibles.

Quant à la PEC, cette valeur est la concentration potentiellement retrouvée dans l’environnement. Elle est déterminée à partir du comportement de la substance dans le milieu naturel, de son tonnage, son utilisation, son poids moléculaire, sa solubilité ainsi que sa volatilité pour les substances nouvelles ou bien à partir des concentrations mesurées dans l’environnement pour les substances existantes. Si le rapport PNEC/PEC est supérieur à 1, alors la situation est considérée comme acceptable. Cependant, si ce rapport est inférieur à 1, alors la situation est considérée comme critique. À ce stade, une limitation et une réduction de l’exposition est nécessaire.

Une méthode pour l’estimation du danger pour l’environnement, EPA, se base sur le calcul de la Final Chronic Value (FCV). Cette dernière est calculée à partir des données des NOEC chroniques de huit familles d’organismes au moins. La moyenne des NOEC de chaque taxon est calculée, puis les quatre NOEC les plus faibles interviennent dans le calcul de la FCV.

Il est possible que les données chroniques soient rares (n < 6) et que le nombre de données relatives à la toxicité aiguë soit supérieur. Dans ce cas, un Acute Chronic Ratio (ACR) est calculé pour chacune des espèces. Cet ACR est le ratio entre la valeur de la toxicité aiguë et chronique. S’ensuit un calcul d’un ACR moyen à partir des différents ACR obtenus. De cela, la FCV est obtenue en calculant le quotient de la Final Acute Value (FAV) par l’ACR moyen.

Au sein de ce contexte de la prévision du risque, les études de toxicité aiguës et/ou chroniques sur les divers modèles biologiques cités précédemment sont fréquemment utilisées pour l’évaluation du risque lié aux substances organiques comme inorganiques.

 

À l’échelle internationale, les bio-essais sont aujourd’hui communément employés dans les tests réglementaires pour l’évaluation des risques des substances déjà commercialisées ou prochainement mises sur le marché. Cet aspect appliqué des bio-essais appuie l’intérêt de cette démarche au sein des études de prévision du risque et incite au développement de ces tests biologiques au niveau des structures de recherche et des instances nationales voire internationales.

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