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Le métamorphisme : transformations minéralogiques et signification géodynamique

La Terre est constituée d’enveloppes concentriques caractérisées par des paramètres physiques et une composition chimique variant selon la profondeur. L’une d’entre elles, la lithosphère, se compose de la croûte terrestre et du manteau lithosphérique. Cette lithosphère est découpée en une quinzaine de plaques lithosphériques mobiles sur le manteau asthénosphérique. Ce déplacement horizontal des plaques lithosphériques les unes par rapport aux autres est à l’origine d’importantes déformations au niveau des frontières de ces plaques. Aussi, dans certaines chaînes de collision, l’épaississement vertical se fait par des structures tectoniques majeures tels les chevauchements ou les nappes de charriage. Par exemple, dans les cas de la collision Inde-Asie, ces structures empilent jusqu’à deux épaisseurs de croûte continentale l’une sur l’autre. Au cours de ce phénomène, les nappes inférieures connaissent un enfouissement important. Il arrive que ces dernières subissent ensuite un épisode d’exhumation, engendrant l’apparition en surface de roches alors visibles à l’affleurement appelées roches métamorphiques. Ces dernières enregistrent l’histoire de l’enfouissement et de l’exhumation, et deviennent des témoins des processus géodynamiques passés.

Figure 1. Carte géologique simplifiée de France au 1/1 000 000 (illustration : université de Limoges, d’après le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)).

Figure 1. Carte géologique simplifiée de France au 1/1 000 000 (illustration : université de Limoges, d’après le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)).

La carte géologique de France (fig. 1) montre la présence de plusieurs massifs métamorphiques anciens à l’affleurement dans les chaînes constitutives du socle français à savoir les chaînes cadomienne, calédonienne et hercynienne. Ces roches métamorphiques conservent la trace de l’histoire passée de ces chaînes anciennes. Par ailleurs, il est aussi possible de retrouver des roches métamorphiques au sein de chaînes plus récentes comme dans les Alpes par exemple. Ces roches informent alors sur l’évolution des premiers stades de formation de ces chaînes, actuellement en cours de déformation.

 

Dans cet article, nous chercherons à savoir en quoi ces roches métamorphiques sont des archives des évolutions géodynamiques passées et comment les géologues déchiffrent-ils ces dernières.

 

Les roches métamorphiques enregistrent des réactions minéralogiques successives

L’étude du métamorphisme d’une roche commence tout d’abord par la détermination de l’histoire minéralogique et chimique de celle-ci. C’est seulement à la suite de la détermination de l’histoire minéralogique de la roche étudiée que nous pourrons en traduire son histoire géodynamique.

Figure 2. Photographie d’une section sciée d’un métagabbro du Queyras (crédit photo : E. Force & D. Mollex, collection de la lithothèque de l’ENS de Lyon).

Figure 2. Photographie d’une section sciée d’un métagabbro du Queyras (crédit photo : E. Force & D. Mollex, collection de la lithothèque de l’ENS de Lyon).

Ce métagabbro du Queyras (fig. 2) montre plusieurs minéraux chacun caractérisé par une couleur propre : 

  • des minéraux bruns xénomorphes : pyroxènes ;
  • des minéraux blancs xénomorphes, altérés par endroit en actinotes et chlorites (couleur verte) : feldspaths ;
  • des minéraux bleu sombre formant une auréole autour des pyroxènes : glaucophanes.
Figure 3. Observation microscopique d’un métagabbro du Queyras et schéma interprétatif (illustration : E. Force, tirée de la banque de schémas de SVT de l’académie de Dijon).

Figure 3. Observation microscopique d’un métagabbro du Queyras et schéma interprétatif (illustration : E. Force, tirée de la banque de schémas de SVT de l’académie de Dijon).

Les glaucophanes entourent les pyroxènes et entrent en contact avec les feldspaths. Cette organisation atypique est dite en couronne (fig. 3). On constate ainsi des minéraux en cours de consommation : les pyroxènes et feldspaths sont consommés au profit d’un nouveau minéral en croissance, le glaucophane. Cette nouvelle formation minéralogique permet d’identifier une réaction chimique en phase solide au sein du métagabbro. Ceci définit ainsi le métamorphisme : il s’agit de l’ensemble des transformations minéralogiques conduisant à une recristallisation à l’état solide.

 

De cet exemple, il est possible de montrer deux associations minéralogiques différentes. Tout d’abord, une première association est composée des feldspaths et des pyroxènes. Cette première association minéralogique est probablement initiale puisqu’elle est en cours de consommation. Puis, une deuxième association est constatée. Elle est constituée des glaucophanes. Celle-ci est postérieure à l’association précédente puisqu’elle croît aux dépens de cette dernière. De cela, on peut définir deux paragenèses bien distinctes. Une paragenèse est une association minéralogique formée au cours d’un processus géologique spécifique. Ici, dans le cas de l’échantillon de métagabbro du Queyras, les deux paragenèses sont les suivantes :

  • une paragenèse dite initiale ou relique, à pyroxènes et feldspaths ;
  • une paragenèse métamorphiques, à glaucophane.

La paragenèse initiale à pyroxènes et feldspaths forme une structure grenue typique des roches magmatiques plutoniques. Aussi, la minéralogie indique qu’il s’agit d’un gabbro. Cette roche initiale subissant le métamorphisme est alors appelée protolithe. Celui-ci est de nature magmatique, c’est pourquoi la paragenèse initiale est aussi qualifiée de paragenèse magmatique. Tout cela met en lumière la nécessité d’identifier le protolithe afin de connaître la minéralogie initiale de la roche étudiée. Cette roche conditionnera, en partie, les diverses réactions métamorphiques qui peuvent ou non se produire au sein de ce protolithe. Dans le cas pris ici pour exemple, la roche initiale étant un gabbro, cette roche métamorphique peut de ce fait être qualifiée de métagabbro. Ce métagabbro a subi une réaction métamorphique de type :

feldspath + pyroxène à glaucophane

paragenèse magmatique à paragenèse métamorphique

 

Par ailleurs, dans le cas étudié ici, une seule paragenèse métamorphique a pu être décrite. Cependant, il est possible de remarquer plusieurs réactions métamorphiques qui se succèdent. Une paragenèse métamorphique peut alors devenir une paragenèse initiale d’une réaction postérieure.

 

Suite à l’identification des paragenèses et de leur ordre chronologique, il devient facile de déterminer les différentes réactions métamorphiques successives qu’a subi un protolithe. Ces dernières retranscrivent les étapes de l’évolution des conditions de pression et de température de l’échantillon étudié.

 

Les réactions minéralogiques métamorphiques sont des indicateurs de l’évolution de la profondeur des roches au cours du temps

 

Les réactions minéralogiques métamorphiques tendent à minimiser l’énergie interne de la roche

 

Les réactions métamorphiques montrent plusieurs modalités. Les transformations polymorphiques sont des réactions de changement de structure d’un minéral. Celui-ci se transforme en un minéral polymorphe, sans aucune variation de sa composition chimique.

Figure 4. Photographie des trois polymorphes de silicate d’alumine. A : andalousite (crédit photo : D. Descouens), B : sillimanite (crédit photo : Ji-Elle, collection du musée de minéralogie de l’université de Strasbourg) et C : disthène (crédit photo : D. Descouens).

Figure 4. Photographie des trois polymorphes de silicate d’alumine. A : andalousite (crédit photo : D. Descouens), B : sillimanite (crédit photo : Ji-Elle, collection du musée de minéralogie de l’université de Strasbourg) et C : disthène (crédit photo : D. Descouens).

Par exemple, les silicates d’alumine (fig. 4) sont des minéraux de formule chimique Al2SiO5. Néanmoins, ils diffèrent par leur structure cristallographique : l’andalousite et la sillimanite sont à système orthorombique et le disthène est à système triclinique. D’autres systèmes polymorphiques importants peuvent être cités tels les polymorphes de SiO2 (quartz a, quartz b, coésite…) ou de CaCO3 (calcite et aragonite). Ces réactions métamorphiques se caractérisent par des transformations dites topochimiques, c’est-à-dire des réactions à composition chimique de la roche constante, et se déroulent dans un système fermé.

 

Les réactions métamorphiques trouvent leur origine dans l’instabilité d’une ou de plusieurs phases du système réagissant de ce fait pour former une nouvelle association minéralogique comme avec l’exemple qui suit : staurotide + muscovite + quartz à biotite + andalousite. Aussi, des réactions métasomatiques peuvent être constatées. Il s’agit de réactions dans lesquelles se déroule un changement de la composition du protolithe suite à un départ de fluide et/ou de cations en solution. Un exemple classique peut être donné : calcite + quartz à wollastonite + CO2. L’anhydride carbonique joue ici le rôle de fluide, une phase mobile au sein du système. Ces réactions métasomatiques se produisent dans des systèmes ouverts.

 

En outre, toute réaction métamorphique a lieu lorsque la paragenèse relique devient moins stable qu’une autre paragenèse chimiquement compatible. De ce fait, une paragenèse métamorphique en cours de croissance sera toujours plus stable que la paragenèse relique dont elle dérive dans les conditions de pression et de température du système en question. Par conséquent, le métamorphisme peut se définir comme l’expression minéralogique traduisant la minimisation permanente de l’énergie interne de la roche.

 

La quantification des paléo-conditions d’enfouissement et d’exhumation est donnée par l’étude des diagrammes de phases

La stabilité d’une paragenèse est quantifiée par son énergie libre de Gibbs notée G. Si une paragenèse possède une énergie libre G inférieure à celle d’une autre paragenèse, alors celle-ci est plus stable. Aussi, la stabilité relative de chaque paragenèse peut être représentée sur un diagramme appelé diagramme de phases. Afin d’illustrer ces propos, les réactions polymorphiques des silicates d’alumine seront prises comme exemple.

Figure 5. Diagramme de phases de l’andalousite et de la sillimanite (illustration : E. Force, tirée du site internet http://eduterre.ens-lyon.fr/).

Figure 5. Diagramme de phases de l’andalousite et de la sillimanite (illustration : E. Force, tirée du site internet http://eduterre.ens-lyon.fr/).

Sur le diagramme de phases de l’andalousite et de la sillimanite (fig. 5), la droite de réaction entre l’andalousite et la sillimanite dans le diagramme de pression-température (P-T) définit la coexistence, à l’équilibre, des deux minéraux polymorphes. Aussi, sur cette droite, l’énergie libre G de l’andalousite et de la sillimanite sont égales. Cela signifie qu’aucun des deux minéraux polymorphes n’est plus stable que l’autre. Cependant, pour des pressions et températures plus élevées par rapport à la droite d’équilibre, l’énergie libre G de la sillimanite devient inférieure à celle de l’andalousite : il s’agit du domaine de stabilité de la sillimanite. À l’opposé, pour des pressions et températures plus faibles, l’énergie libre G de l’andalousite devient inférieure à celle de la sillimanite : c’est donc le domaine de stabilité de l’andalousite. En pratique, un échantillon de roche qui contient de la sillimanite et qui se situe dans des conditions de pression et de température la positionnant sous la droite d’équilibre, verra sa paragenèse à sillimanite avec une énergie libre G supérieure à celle de l’andalousite. La sillimanite deviendra alors instable et sera consommée au profit de l’andalousite qui cristallisera dans l’échantillon. De cela, il est aisé de constater que les réactions métamorphiques sont présentes lorsque les conditions thermodynamiques, ou de pression et de température, évoluent et deviennent suffisantes pour qu’une paragenèse initiale se transforme en une paragenèse plus stable.

Figure 6. Diagramme de phases des silicates d’alumine (illustration : E. Force, tirée du site internet http://eduterre.ens-lyon.fr/).

Figure 6. Diagramme de phases des silicates d’alumine (illustration : E. Force, tirée du site internet http://eduterre.ens-lyon.fr/).

Plus largement, l’ensemble des relations d’équilibre pour les silicates d’alumine forme le diagramme de phases des silicates d’alumine (fig. 6). Ce dernier permet de visualiser le domaine P-T caractéristique de la ou des paragenèse(s) de silicate d’alumine retrouvée(s) dans une roche. De par ces diagrammes de phases, l’interprétation d’une paragenèse observée, comme un domaine P-T par lequel est passé un échantillon, est envisageable. Aussi, la pression est directement liée à la profondeur : 1 kbar équivaut à environ 3 km. Ceci permet d’obtenir une indication quant à la profondeur à laquelle a été enfouie la roche. Le paramètre température permettra de connaître le type de géotherme contemporain du métamorphisme.

 

Les réactions minéralogiques successives et le chemin pression-température d’une roche

L’identification de paragenèses successives d’un échantillon permet de donner des informations quant à l’évolution de l’enfouissement et de l’exhumation de la roche en question. Dans le cas du matagabbro du Queyras pris en exemple dans les précédentes parties, il a été retrouvé, au sein du même massif de métagabbros, des échantillons de ces roches montrant des réactions métamorphiques plus complètes. Les paragenèses métamorphiques tendent à remplacer complètement la paragenèse initiale du protolithe. Se remarque alors d’importantes zones bleues caractéristiques d’une paragenèse à glaucophane.

Figure 7. Photographie d’un métagabbro à glaucophane du Queyras présentant des veines d’actinote et chlorite (crédit photo : photothèque de l’académie de Poitiers).

Figure 7. Photographie d’un métagabbro à glaucophane du Queyras présentant des veines d’actinote et chlorite (crédit photo : photothèque de l’académie de Poitiers).

De plus, ce métagabbro à glaucophane du Queyras présente des associations minérales de couleur verte (fig. 7). Il s’agit de deux minéraux : l’actinote et la chlorite. Ces associations minérales sont sécantes aux zones bleues. Ainsi, elles sont postérieures à la paragenèse métamorphique à glaucophane. En somme, trois paragenèses sont identifiées sur un tel échantillon : une première paragenèse magmatique initiale à feldspath et pyroxène, une seconde paragenèse métamorphique à glaucophane et une troisième paragenèse métamorphique à chlorite et actinote. Suite à l’identification des différentes paragenèses, il est possible de replacer ces réactions dans un diagramme P-T afin d’obtenir les différents domaines successifs de pression et de température rencontrés par la roche étudiée.

Figure 8. Chemin P-T de l’échantillon de métagabbro du Queyras (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

Figure 8. Chemin P-T de l’échantillon de métagabbro du Queyras (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

L’échantillon étudié à savoir un métagabbro du Queyras, a connu plusieurs étapes dans son évolution minéralogique (fig. 8) : 

  • étape 1 : paragenèse magmatique initiale. Cette étape se caractérise par la solidification du gabbro à partir d’un liquide basaltique ;
  • étape 2 : refroidissement de la croûte océanique après cristallisation du gabbro ;
  • étape 3 : première paragenèse métamorphique. La roche connaît son enfouissement maximal de 25 à 30 km de profondeur. Cette paragenèse se caractérise par un épisode métamorphique de plus haut degré ;
  • étape 4 : seconde paragenèse métamorphique. Le métagabbro est exhumé vers 15 km de profondeur et 400 à 500 °C. Cette nouvelle paragenèse cristallise par consommation de la première paragenèse métamorphique ;
  • étape 5 : exhumation du métagabbro jusqu’à la surface, mise à l’affleurement de l’échantillon actuellement visible en surface.

De par les paragenèses et les diverses réactions, il est possible de mettre en exergue des points de passage au sein du diagramme P-T. Relier ces différents points permet de dessiner le chemin P-T qu’a suivi le métagabbro (fig. 8). Ce chemin peut se décomposer en deux épisodes. Pour commencer, le gabbro a connu une augmentation de sa profondeur, on parle d’enfouissement ou de chemin prograde (étape 2 à 3). Ensuite, le métagabbro subit une exhumation : le chemin est alors qualifié de rétrograde (étape 3 à 5).

 

L’étude du métamorphisme d’une roche traduit l’histoire géodynamique de cette dernière. Dans la figure précédente, le chemin P-T que connaît le gabbro est un chemin pression-température-temps (P-T-t) dit relatif. Par ailleurs, la datation relative des différentes paragenèses permet de définir les diverses étapes successives de l’évolution des paramètres pression et température. En outre, il est parfois envisageable de dater par radiochronologie les différents assemblages minéralogiques de l’échantillon, des données à l’origine de l’établissement d’un chemin P-T-t absolu.

Les chemins progrades et les différents modes d’enfouissement

Figure 9. Position relative de deux chemins progrades et du géotherme moyen (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019). A : chemin prograde de subduction et B : chemin prograde d’une unité enfouie par collision continentale.

Figure 9. Position relative de deux chemins progrades et du géotherme moyen (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019). A : chemin prograde de subduction et B : chemin prograde d’une unité enfouie par collision continentale.

La forme des chemins progrades diffèrent selon les modes d’enfouissement (fig. 9). En effet, la forme des chemins progrades dépend premièrement du rapport entre la vitesse d’enfouissement et la vitesse de diffusion thermique entre les roches. En ce sens, plus l’enfouissement est rapide, plus les isothermes sont profondes, et plus la pente du géotherme est élevée. Par exemple, ceci est constaté au niveau des zones de subduction rapides. Ces dernières montrent des chemins progrades dits froids. Concernant l’enfouissement de nappes continentales, étant plus légères et plus résistantes à l’enfouissement, celui-ci s’effectue plus lentement selon un chemin prograde dit intermédiaire.

 

L’identification du mode d’exhumation est déduite de la forme du trajet rétrograde

Figure 10. Positions relatives des chemins rétrogrades et du solidus hydraté du granite (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019). A : exhumation tectonique rapide d’une unité au départ en subduction, B : exhumation d’une unité de croûte continentale par mise en place de chevauchements, C : unité océanique initialement subduite puis pincée dans la suture d’une collision continentale, D : exhumation d’une unité de croûte continentale par érosion et E : solidus hydraté du granite.

Figure 10. Positions relatives des chemins rétrogrades et du solidus hydraté du granite (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019). A : exhumation tectonique rapide d’une unité au départ en subduction, B : exhumation d’une unité de croûte continentale par mise en place de chevauchements, C : unité océanique initialement subduite puis pincée dans la suture d’une collision continentale, D : exhumation d’une unité de croûte continentale par érosion et E : solidus hydraté du granite.

Au cours du trajet rétrograde, la forme du trajet P-T varie selon la vitesse d’exhumation (fig. 10). Il est constaté que plus la vitesse d’exhumation est lente, plus le rééquilibrage thermique peut se produire. De ce fait, les unités enfouies connaissent une augmentation de température et leur trajet montre un renflement vers les hautes températures : les exhumations contrôlées par le processus d’érosion et le rééquilibrage isostatique en sont des exemples. A contrario, les exhumations rapides, permises par la mise en place de chevauchements, ne présentent pas de réchauffement. Ainsi, les chemins rétrogrades sont similaires aux chemins progrades. Aussi, il existe des formes intermédiaires de chemins rétrograde. Ces dernières sont rencontrées au sein des chaînes de collision continentale. L’exhumation tectonique s’effectue rapidement mais pas assez pour empêcher un réchauffement au cours du maximum d’enfouissement. En détails, durant la mise en place d’une chaine de collision continentale, les unités continentales connaissent un enfouissement marqué par un chemin prograde plus penté que le gradient géothermique normal. De plus, l’exhumation tectonique rapide au cours du chemin rétrograde est semblable au chemin prograde. La chaine de collision continentale Himalaya-Tibet est un exemple de forme intermédiaire de chemin rétrograde.

 

Les faciès métamorphiques permettent de comparer les roches métamorphiques

 

Les métabasites sont à l’origine des faciès métamorphiques

 

Le métagrabbro du Queyras étudié dans cet article est issu d’un protolithe d’une roche basique à savoir un gabbro. Par conséquent la roche métamorphique est une métabasite. Les métabasites montrent des paragenèses récurrentes conférant des couleurs caractéristiques aux roches métamorphiques, facilement distinguables macroscopiquement. Les métabasites principalement rencontrées sont les suivantes :

  • les schistes à zéolites, caractérisés par une paragenèse à zéolites : laumontite et analcime majoritairement ;
  • les schistes verts, définis par une paragenèse à chlorite, actinote, épidote et feldspath plagioclase ;
  • les schistes bleus, montrant une paragenèse à glaucophane et lawsonite ;
  • les amphibolites, caractérisées par une paragenèse à hornblende, feldspath plagioclase et éventuellement de l’épidote ;
  • les éclogites, possédant une paragenèse à clinopyroxène et grenat ;
  • les granulites, définies par une paragenèse à clinopyroxène, orthopyroxène et feldspath plagioclase.
Figure 11. Position des principales réactions entre les paragenèses des métabasites les plus fréquentes (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019). La nature et la position exacte des réactions varient selon la composition du protolithe : ici, il s’agit d’une métabasite à quartz. Aussi, le faciès des prehnites n’est pas figuré sur ce diagramme (il trouve sa place entre les schistes à zéolithes et les schistes verts). En petits caractères sont inscrits les principales paragenèses et en caractères gras le nom des faciès métamorphiques.

Figure 11. Position des principales réactions entre les paragenèses des métabasites les plus fréquentes (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019). La nature et la position exacte des réactions varient selon la composition du protolithe : ici, il s’agit d’une métabasite à quartz. Aussi, le faciès des prehnites n’est pas figuré sur ce diagramme (il trouve sa place entre les schistes à zéolithes et les schistes verts). En petits caractères sont inscrits les principales paragenèses et en caractères gras le nom des faciès métamorphiques.

Suite au placement de différentes réactions permettant de passer d’une paragenèse à une autre, il est possible de définir plusieurs domaines de stabilité en fonction de la température et de la pression (fig. 11). Sur la grille pétrogénétique des métabasites ci-dessus, plusieurs domaines P-T sont reconnaissables. Ils correspondent à différents domaines de stabilité des métabasites. Ces derniers portent le nom de faciès et prennent le nom de la métabasite dont ils proviennent. Par exemple, sur ce diagramme, la roche de type schiste bleu se situe en faciès schiste bleu. Cependant, toute autre roche métamorphique placée dans ce domaine P-T sera aussi en faciès schiste bleu, même si cette roche ne montre pas la paragenèse à glaucophane et lawsonite. Ainsi, des métapélites et des métacarbonites peuvent se retrouver dans le domaine P-T du faciès schiste bleu sans pour autant présenter les minéraux glaucophane et lawsonite.

 

Des protolithes différents conduisent à des réactions minéralogiques et paragenèses différentes

 

Le domaine de pression et de température est déterminé par la paragenèse à laquelle il appartient et par la réaction qui a lieu pour réaliser cette paragenèse. Selon la composition chimique du protolithe, différentes familles de roches métamorphiques peuvent être distinguées. Les métabasites sont des roches métamorphiques issues de la transformation des roches basiques. Ces roches métamorphiques sont riches en minéraux ferromagnésiens tels la chlorite, le grenat ou le glaucophane. Les roches les plus courantes sont celles ayant déjà fait l’objet d’une description dans les paragraphes précédents : schistes à zéolites, schistes verts, schistes bleus, amphibolites, éclogites et granulites. Les roches métamorphiques carbonatées trouvent leur origine de la transformation des carbonates. Les minéraux de ces roches métamorphiques sont riches en calcium : calcite et aragonite, et quelques fois en silice, magnésium ou aluminium si les protolithes sont respectivement un calcaire siliceux, un calcaire dolomitique ou un calcaire argileux. Les marbres et cipolins sont les roches métamorphiques carbonatées les plus observées. Puis, des roches métamorphiques acides sont rencontrées. Elles sont issues de la transformation des roches magmatiques acides : les granites. Ces roches métamorphiques acides se composent de minéraux riches en silice comme le quartz et les fledspaths. Les gneiss et leptynites sont les principaux représentants de ces roches métamorphiques. Enfin, les métapélites sont des roches métamorphiques ayant pour origine des roches sédimentaires argileuses.

 

Les métapélites sont des roches à paragenèses alumineuses

 

Lors du métamorphisme, les roches sédimentaires argilo-quartzeuses viennent à se transformer en roches riches en aluminium. Parmi ces roches, on retrouve les micaschistes riches en micas et en quartz. Ces roches montrent une schistosité cristallophyllienne ou foliation facilement observable. Les minéraux les plus fréquents sont la biotite, la muscovite, le quartz, les silicates d’alumine, la cordiérite, le grenat et la staurotide entre autres. Aussi, d’autres roches tels les chloritoschistes, ressemblant aux micaschistes, dont le phyllosilicate principal est la chlorite et non le micas, peuvent être observées. Puis, les dernières roches métamorphiques dérivées de roches sédimentaires sont les calcschistes. Celles-ci possèdent une importante quantité de calcite.

 

L’ensemble de ces roches se répartit dans les différents domaines de stabilité des paragenèses métapélitiques. Ces dernières ne se superposent aucunement à la position des faciès métamorphiques dans le diagramme P-T. Cependant, la terminologie utilisée pour les faciès métamorphiques des métabasites est aussi employée pour caractériser les métapélites : un micaschiste à chloritoïde en faciès éclogite signifie que cette roche se trouve à l’équilibre avec des conditions thermodynamiques supérieures à 9 kbar et entre 450 et 600 °C. Aussi, quelques minéraux dits index apportent des informations sur les conditions thermodynamiques de formation de ces roches métamorphiques.

 

Le métamorphisme régional et les différents gradients métamorphiques

 

L’étude des paragenèses et la détermination du gradient thermique contemporain du métamorphisme

Figure 12. Position relative du géotherme moyen et des grands types de gradients métamorphiques (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

Figure 12. Position relative du géotherme moyen et des grands types de gradients métamorphiques (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

Au sein des zones soumises à un métamorphisme régional, les différentes roches retrouvées donnent des informations quant aux conditions de pression et température variables, progressives, depuis les faibles degrés jusqu’à la fusion partielle dans certains cas. En inscrivant cette évolution régulière dans le diagramme P-T, il est possible de définir un gradient métamorphique de la région étudiée (fig. 12).

Figure 13. Schéma simplifié de la carte géologique de Saint-Girons au 1/50 000 (illustration : E. Force, d’après J.-Y. Daniel et al., Sciences de la Terre et de l’Univers, 2015).

Figure 13. Schéma simplifié de la carte géologique de Saint-Girons au 1/50 000 (illustration : E. Force, d’après J.-Y. Daniel et al., Sciences de la Terre et de l’Univers, 2015).

La détermination des gradients métamorphiques s’effectue suite à l’étude des différentes paragenèses identifiables sur le terrain considéré. Par exemple, l’étude du massif de l’Arize dans les Pyrénées, permet de décrire plusieurs paragenèses successives et d’intensité croissante du nord au sud (fig. 13). Cette succession de paragenèses est retranscrite par des isogrades métamorphiques signifiant l’apparition ou la disparition de minéraux index du métamorphisme au sein du massif. En détails, il est observé un isograde biotite + et séricite – traduisant l’apparition de la biotite et la disparition de la séricite dans une paragenèse métamorphique. Un second isograde andalousite + montre l’apparition de ce minéral, puis un isograde sillimanite + et orthose + marque l’apparition de la sillimanite et de l’orthose. Enfin, l’apparition d’un front de migmatites traduit le début de la fusion partielle des roches.

Figure 14. Grille pétrogénétique et construction du gradient métamorphique du massif de l’Arize sur un transect nord-sud (illustration : E. Force, d’après Renard et al., 2018).

Figure 14. Grille pétrogénétique et construction du gradient métamorphique du massif de l’Arize sur un transect nord-sud (illustration : E. Force, d’après Renard et al., 2018).

De par les différents isogrades remarqués sur le terrain, la construction du gradient métamorphique du massif de l’Arize est envisageable. Cette dernière utilise les droites de réactions déterminées sur le terrain et retranscrites sur une grille pétrogénétique (fig. 14). Suite au passage successif par les points 1 à 4, sont traversés la droite de réaction d’apparition de la biotite (1), la droite d’apparition de l’andalousite (2), les droites d’apparition simultanée de la sillimanite et de l’orthose (3), et enfin, le solidus hydraté du granite indiquant un début de fusion partielle (4). La droite passant par ces quatre points montre une pente donnant la valeur du gradient métamorphique régional du massif de l’Arize, soit environ 60 °C.km-1.

 

Les différents gradients métamorphiques régionaux

Figure 15. Position relative du géotherme moyen et des grands types de gradients métamorphiques (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

Figure 15. Position relative du géotherme moyen et des grands types de gradients métamorphiques (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

L’étude de la figure 15 met en exergue les différents gradients métamorphiques les plus enregistrés par le métamorphisme régional. Aussi, est figuré le géotherme moyen dans les régions dites stables. De plus, il est possible de voir qu’aucun de ces trois gradients métamorphiques n’est superposé au géotherme moyen. De ce fait, les roches métamorphiques qui ont enregistré ces gradients ne se sont pas formées au sein d’une lithosphère stable. En effet, la lithosphère contemporaine du métamorphisme est marquée par un gradient ayant été perturbé par une dynamique verticale et/ou horizontale de cette même lithosphère. En découle de cela une première indication sur le contexte géothermique contemporain du métamorphisme.

Figure 16. Position des isothermes et gradient géothermique dans deux contextes géodynamiques différents (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

Figure 16. Position des isothermes et gradient géothermique dans deux contextes géodynamiques différents (illustration : E. Force, d’après C. Nicollet, 2019).

Un premier gradient métamorphique, le gradient haute pression-basse température, aussi nommé Franciscain, montre que lorsque la pression augmente, la température reste faible. Ainsi, il s’agit d’un contexte plus froid que le géotherme moyen. Ceci peut s’expliquer par le fait d’un enfouissement d’une unité froide initialement en surface (fig. 16) : par exemple, si le transfert de chaleur entre une unité froide et la lithosphère encaissante se fait plus lentement que l’enfouissement vertical, alors les roches subissant l’enfouissement connaîtront une pression importante et une température anormalement faible. En d’autres termes, l’enfouissement vertical rapide de cette unité froide ne permet pas le rééquilibrage thermique. Ce type de contexte thermique est constaté au niveau des zones de subduction océanique (fig. 16). Ensuite, le gradient métamorphique de moyenne pression-haute température ou Dalradien, est très proche du géotherme moyen dans les quelques premiers kilomètres. S’ensuit en enfouissement d’unités au sein de l’encaissant selon une vitesse suffisamment lente pour que le rééquilibrage thermique puisse avoir lieu. C’est dans un contexte de collision continentale que l’on constate un tel gradient métamorphique. En effet, la faible densité de la lithosphère continentale freine son enfouissement vertical dans le manteau asthénosphérique. Enfin, dans le cas du gradient métamorphique de haute température-basse pression ou Abukuma, l’augmentation de la pression est modérée. Cela est visible dans un contexte plus chaud que le géotherme moyen tels les rifting continentaux et océaniques (dorsales océaniques). En effet, au niveau d’une dorsale océanique, une proximité de zones magmatiques chaudes est remarquée (fig. 16).

 

Ainsi, l’étude de l’évolution combinée de la profondeur (par l’étude de l’évolution de la pression) avec la température permet de suggérer un contexte géodynamique. Ce dernier, en plus d’être en adéquation avec le protolithe et la déformation observée, doit prendre en considération le type de géotherme contemporain du métamorphisme.

 

 

En conclusion, le métamorphisme consiste en des transformations minéralogiques, parfois structurales et chimiques, des roches à l’état solide. L’identification d’une roche métamorphique passe par la recherche de minéraux produits du métamorphisme, par la mise en évidence de minéraux reliques antérieurs au métamorphisme et par la présence de déformations associées. De plus, les réactions métamorphiques sont régies par les lois de la thermodynamique ainsi que de la cinétique. En effet, les différentes associations minéralogiques, aussi nommées paragenèses, sont de bons indicateurs de pression et de température. Aussi, subsistent quelques minéraux, témoins des conditions successives subies par le protolithe au cours de sa transformation en roche métamorphique. L’irréversibilité du métamorphisme trouve ses raisons dans la lenteur des transferts de matière se faisant par diffusion, dans la disparition d’une phase fluide ou encore dans la modification de la composition chimique des roches. Ensuite, au sein d’une roche métamorphique, une ou plusieurs paragenèses sont identifiées dans le but de déterminer les conditions de pression et de température par lesquelles est passée le protolithe. Ceci est possible grâce aux outils thermobarométriques calculés ou établis expérimentalement. De cela, a été défini des faciès métamorphiques associant des champs de pression et de température aux différentes paragenèses rencontrées notamment chez les roches basiques à partir desquelles ces faciès ont pu être caractérisés. L’étude fine de la disposition relative des minéraux et des déformations permet de reconstituer des chemins pression-température-temps. Ces derniers sont généralement révélateurs des diverses réactions associées au processus d’exhumation qui suit le processus d’enfouissement. Par conséquent, de cela peut être déterminées les conditions de pression et de température du pic de métamorphisme rencontré par la roche. Ces réactions métamorphiques peuvent trouver leur origine suite à l’élévation de la température au voisinage d’un pluton : on parle de métamorphisme de contact. Aussi, les réactions métamorphiques peuvent provenir de l’hydratation de la croute océanique lorsqu’elle se refroidit en s’éloignant de la dorsale : il s’agit du métamorphisme hydrothermal. Et, ayant fait l’objet de cet article, les réactions métamorphiques peuvent être la conséquence d’un enfouissement ou d’une exhumation des roches : c’est le métamorphisme régional. Dans ce dernier cas, l’ensemble des pics de métamorphisme des roches d’une même région détermine un gradient métamorphique pouvant être corrélé à un contexte géodynamique. Il existe trois gradients métamorphiques : un gradient haute pression-basse température ou Franciscain, associé aux zones de subduction ; un gradient moyenne pression-haute température, constaté au niveau des chaines de collision continentale ; puis, un gradient haute température-basse pression rencontré dans des contextes d’amincissement lithosphérique tels les rifting. Par conséquent, les roches métamorphiques, tout comme les roches magmatiques et sédimentaires, contribuent à reconstituer l’histoire géologique d’une région.

 

 

Bibliographie et sitographie

 

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Nicollet C.. Métamorphisme et géodynamique. Dunod, 2e ed., 2019. 336 p.. ISBN 978-2-1008-0691-1

 

Nicollet C.. Métamorphisme et géodynamique. In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, [consulté le 15 juin 2020]. Disponibilité et accès sur : https://www.universalis.fr/encyclopedie/metamorphisme-et-geodynamique/1-definition-du-metamorphisme-et-des-roches-metamorphiques/

 

Pajon-Perrault N.. Métamorphisme : l’essentiel de ce qu’il faut savoir. In Eduterre [en ligne]. Plateforme ACCES, [consulté le 15 juin 2020]. Disponibilité et accès sur : http://eduterre.ens-lyon.fr/thematiques/terre/metamorphisme/generalites-lessentiel-de-ce-quil-faut-savoir

Renard M. et al.. Éléments de géologie. Dunod, 16e ed., 2018. 1152 p.. ISBN 978-2-1007-7867-6

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