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L’obsidienne, une roche volcanique issue d'une cristallisation inhibée

Figure 1. Obsidienne de la coulée de lave du Laugahraun (Landmannalaugar, Islande) (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Figure 1. Obsidienne de la coulée de lave du Laugahraun (Landmannalaugar, Islande) (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

L’obsidienne (fig. 1), roche volcanique constituée exclusivement de verre, est souvent à tort définie comme une lave ayant subi un refroidissement très rapide en surface. Si sa structure vitreuse est le seul point commun avec d’autres roches volcaniques basiques tels les basaltes, cette roche acide n’est pas issue d’une coulée de lave refroidie brutalement.

 

Comment se forment les obsidiennes ?

 

Des laves acides à l’origine de roches volcaniques totalement vitreuses

 

Les laves acides sont caractérisées par une forte viscosité et une température comprise entre 700 et 900 °C. De plus, la composition chimique de ces laves accroît la polymérisation de ces dernières et engendre ainsi une forte viscosité limitant par conséquent la diffusion des éléments et de ce fait la germination et croissance des minéraux : la cristallisation est donc limitée. Aussi, les laves acides peuvent ne pas cristalliser et donner des obsidiennes. Dans un tel cas, l’ensemble du filon ou de la coulée de lave est vitreux.

Figure 2. Coulée d’obsidiennes du Laugahraun (Landmannalaugar, Islande) (crédit photo : H. Bertrand).

Figure 2. Coulée d’obsidiennes du Laugahraun (Landmannalaugar, Islande) (crédit photo : H. Bertrand).

Sur le terrain, des filons d’obsidiennes sont observés et généralement comparés aux filons basaltiques. Néanmoins, cette roche est plus fréquemment rencontrée en coulée. Celle-ci est plutôt courte et très épaisse typique des laves à forte viscosité. Parmi les coulées d’obsidiennes les plus populaires figure la coulée du Laugahraun à Landmannalaugar, en Islande, mise en place en 1477 (fig. 2).

Toutefois, à cet endroit, la coulée est trop récente pour que les processus d’érosion et d’altération aient exhumé le cœur vitreux.

 

En détails, quels sont les paramètres chimiques impliqués dans la formation de telles roches ?

 

Une forte viscosité et une inhibition de la cristallisation, des paramètres fondamentaux des liquides magmatiques à l’origine de la formation des obsidiennes

 

À la différence des roches volcaniques basaltiques caractérisées par une vitrification de bordure allant de quelques millimètres à quelques centimètres suite au phénomène de trempe, les obsidiennes sont entièrement vitreuses. Ainsi, dans ce cas, l’état vitreux de ces roches ne peut pas résulter d’un refroidissement rapide en surface de quelconques laves acides. En conséquence, la cristallisation, autrement dit la germination et la croissance de minéraux, a été inhibée. Comment cela est-il possible ?

 

La composition chimique des liquides silicatés constituant les magmas acides influe sur la viscosité de ces derniers et contrôle également leur structure. En effet, un liquide magmatique est partiellement organisé en unités structurales plus ou moins régulières, principalement formées de tétraèdres de silicate (SiO4) plus ou moins polymérisés. Plus précisément, une corrélation existe entre le degré de polymérisation de ces tétraèdres de silicate et la viscosité du magma : plus le degré de polymérisation est important et plus la viscosité du liquide magmatique est élevée. Aussi, il est possible d’observer un lien entre la viscosité et la diffusion nécessaire à la cristallisation des magmas. Ainsi, dans le cas étudié, les magmas ont une forte viscosité freinant en conséquence la diffusion nécessaire à leur cristallisation jusqu’à une inhibition totale de celle-ci.

Figure 3. Schéma de la structure d’un verre de silice pure (à gauche) et d’un verre silicaté contenant des cations modificateurs de réseau (à droite) (illustration : H. Bertrand).

Figure 3. Schéma de la structure d’un verre de silice pure (à gauche) et d’un verre silicaté contenant des cations modificateurs de réseau (à droite) (illustration : H. Bertrand).

De plus, le degré de polymérisation des tétraèdres de silicate est dépendant de la composition chimique des magmas. En détails, deux types de cations interviennent majoritairement dans la structuration du liquide magmatique silicaté. Il s’agit des cations dits formateurs de réseau à savoir le silicium et le bore entre autres, ainsi que des cations nommés modificateurs de réseau comme le sodium, le potassium ou encore le calcium. Le premier type de cations agit en renforçant la polymérisation du liquide silicaté et de ce fait, provoque une augmentation de sa viscosité (fig. 3). Le deuxième type de cations, quant à lui, provoque une cassure des liaisons entre les polyèdres du réseau engendrant ainsi une dépolymérisation de ce dernier (fig. 3). En d’autres termes, ce deuxième groupe de cations transforment les oxygènes pontants, atomes qui lient deux éléments formateurs de réseau, en oxygènes non-pontants, ce qui fragilise la structure en réseau des magmas. En découle de cela que, les éléments alcalins (sodium et potassium) n’empêchent pas la cristallisation, mais au contraire, favorisent cette dernière (en considérant que tous les autres paramètres intervenant dans la cristallisation d’un magma soient égaux). Cela met en exergue un rôle antagoniste à celui du silicium qui tend à réduire la cristallisation. Cependant, dans le cas des magmas acides à l’origine des obsidiennes, le silicium prime par rapport à ces autres cations modificateurs de réseau.

 

En conséquence, la possibilité pour un magma de se refroidir en un verre dépend en premier lieu de l’abondance en cations formateurs vis-à-vis des cations modificateurs de réseau. C’est ainsi que sur le terrain, les basaltes ne sont jamais vitreux en leur centre. Le liquide magmatique initial est pauvre en silicium et riche en fer et magnésium qui sont aussi, au même titre que le sodium, le potassium ou le calcium, des cations modificateurs de réseau. Le magma basaltique est donc peu polymérisé, ce qui permet une bonne cristallisation hormis dans les cas de trempe. Concernant les obsidiennes, la composition du magma initial est majoritaire de type rhyolitique, c’est-à-dire que ce dernier contient 70 à 75% de silice. Aussi, des obsidiennes de type phonolitique peuvent exister. Celles-ci sont composées d’environ 60% de silice, laissant place à plus de cations modificateurs de réseau expliquant pourquoi ce type d’obsidienne est plus rare.

 

En outre, l’abondance en cations formateurs vis-à-vis des cations modificateurs de réseau dans un liquide magmatique explique en partie la formation des obsidiennes. En effet, l’eau, qu’elle soit sous forme H2O ou sous forme OH-, joue un rôle non négligeable dans la cristallisation des magmas. Celle-ci dépolymérise et abaisse significativement la viscosité des magmas, favorisant ainsi la cristallisation. En addition, certains éléments en trace tels que les terres rares peuvent avoir un rôle dans la dépolymérisation ou la polymérisation de réseau au sein des magmas. Cela met en lumière la complexité de ce phénomène : la cristallisation dépend donc des éléments chimiques et plus largement de l’histoire du magma. C’est pourquoi toutes les rhyolites ne sont pas des obsidiennes.

 

 

En somme, le processus de vitrification des laves acides impacte non seulement la bordure des coulées volcaniques, comme c’est le cas pour les coulées basaltiques, mais aussi l’ensemble de la coulée dans le cas des coulées d’obsidiennes. Néanmoins, cette vitrification n’est pas liée à un refroidissement rapide en surface par trempage des laves. Elle trouve son origine dans la polymérisation et la composition chimique de ces dernières. C’est ainsi qu’une obsidienne découlera toujours d’un magma acide, riche en silicium, même si tous les magmas acides ne donnent pas lieu à ce type de roche.

 

 

Sitographie

 

Bertrand H. & Dequincey O.. Obsidienne / bordure figée : une obsidienne n'est pas une lave refroidie rapidement [en ligne]. Planet-Terre - ENS de Lyon. 2008, [consulté le 08 avril 2020]. Disponibilité et accès sur : https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/obsidienne.xml

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