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La science du végétal ou la botanique : le récit d’une longue histoire commencée dès l’Antiquité

La botanique ou la science du végétal débuta son récit dans une œuvre du scientifique Théophraste (372-287 av. J.-C.) à l’Antiquité. Rapidement, la botanique devint un domaine de la médecine puis se vit réduite à un rôle de simple pourvoyeuse de médicaments. C’est à partir de la Renaissance qu’elle connut son plus grand essor : une multitude d’herbiers fut éditée, prémices d’une science dite pure. Pour commencer, cette dernière eut trait à des inventaires d’espèces végétales et, plus tardivement, à inspirer l’élaboration de classifications des différents végétaux. Par la suite, aux grés des améliorations techniques du XVIIe siècle, une vision microscopique et l’émergence d’une compréhension de certains mécanismes physiologiques des plantes firent de la botanique une nouvelle science expérimentale détachée de la médecine. À cet instant, de nombreuses découvertes furent dévoilées, participant à l’amélioration de la connaissance de ces êtres photosynthétiques si mal connus et très longtemps mis de côté par une large communauté scientifique. De nos jours, l’incessante progression des moyens techniques met en exergue de nouveaux résultats et fait l’objet de recherches conséquentes dans de nombreux domaines des sciences expérimentales : physique, chimie, génétique, etc. aspirant toutes à dévoiler les secrets de ces organismes si intrigants que sont les végétaux. Aussi, ces nouvelles avancées sont intégrées dans les enseignements de la botanique, ce qui a pour effet de dynamiser cette science pendant longtemps considérée comme figée. Dernièrement, la botanique connait un regain d’intérêt auprès du grand public découvrant ou redécouvrant les bénéfices et usages traditionnels des plantes et mesurant le rôle fondamental des végétaux au sein de la biodiversité.

 

La botanique, d’une origine antique à un essor à l’aurore du XVIIIe siècle

 

C’est à l’issue d’une pensée grecque qu’est née une nouvelle science : la botanique. Le disciple d’Aristote, Théophraste, communiqua sur les organes des plantes en envisageant leurs fonctions associées dans son ouvrage intitulé Histoire des plantes. Aussi, un second livre, Des causes des plantes, laissa transparaitre le déterminisme des phénomènes végétaux selon la température et l’eau. C’est ainsi que naquit la botanique.

 

Cette nouvelle vision du monde végétal mettra peu de temps avant d’être absorbée par l’écrasante science de l’époque : la médecine. En effet, il n’y a aucun mal qui ne trouve remèdes dans les plantes. C’est ainsi que de nombreux auteurs grecs, dont Dioscoride (20-90 après J.-C.) qui publia un recueil de 600 plantes (De materia medica, paru en 50 après J.-C.), s’attardèrent en priorité aux emplois médicaux avant toute description des espèces végétales si tant est qu’il y en ait. De plus, cet ouvrage de Dioscoride laisse à penser qu’il devait être une référence pendant bon nombre de siècles. Par ailleurs, chez les Latins, la botanique fut à l’origine de l’agronomie avec quelques auteurs comme Caton, Varron ou encore Columelle, puis de la médecine avec un éminent ouvrage de Pline l’Ancien : Histoires naturelles.

 

Au Moyen Âge, l’orientation médicale de la botanique ne fut pas changée. En effet, les Arabes et Occidentaux relatèrent d’excellentes observations botaniques à des essais thérapeutiques.

 

Au temps de la Renaissance, un grand nombre d’études classiques permit beaucoup de commentaires à propos des œuvres anciennes. Également, grâce à l’invention de l’imprimerie, ces connaissances ont pu être diffusées à un plus large public. Toutefois, l’orientation médicale de ces ouvrages resta privilégiée. De plus, l’essor des voyages à la découverte du nouveau monde et sa conquête eurent un effet considérable dans le développement de la botanique. En découle des importations en Europe de certaines espèces bien connues de nos jours telles l’Ananas ou la Pomme de terre. Afin d’accueillir ces nouvelles plantes, de nombreux jardins botaniques ont été créés. De ces nouvelles découvertes commença à se dégager une nouvelle science expérimentale parmi une botanique encore largement médicinale.

 

C’est au XVIe siècle qu’une nouvelle approche de la botanique apparue. On y retrouva un début de classification des espèces végétales en fonction de la taille des organismes : herbes, arbrisseaux et arbres, préfigurant aujourd’hui très grossièrement nos familles actuelles. Puis, quelques auteurs dont Fuchs (1501-1566), professeur à Tübingen, inaugura la nomenclature botanique aspirant à donner quelques définitions de termes spéciaux utilisés dans l’écriture de diagnoses des espèces végétales. La fin de ce siècle fut marquée par un ouvrage faisant front aux enthousiasmes naïfs de cette époque à savoir De Plantis libri XVI (1583) écrit par Césalpin (1519-1603). Dans ce livre, une nouvelle considération de certains organes végétaux tels les fruits fut à l’origine de nouvelles classifications des espèces végétales et permit la dissociation de la botanique à la médecine.

 

Le XVIIe siècle est marqué par la résolution de nombreuses interrogations mais aussi par l’apparition de nouveaux problèmes. En effet, de nouveaux domaines comme l’anatomie et la physiologie ont émergé à côté de celui de la connaissance des plantes, de leur détermination et de leur classification. C’est à partir de l’invention du microscope que Grew (1641-1712) et Malpighi (1628-1694) ont créé l’anatomie végétale conduisant à la notion que toutes les parties d’un végétal sont constituées d’utricules : des vésicules dont l’association forme un tissu utriculaire. Malpighi opposa à ces utricules des fibres allongées et assemblées en un tissu fibreux, puis les trachées ou des vaisseaux remplis d’air étendus en faisceaux disposés dans la totalité de la plante et dont l’analogie faite avec les trachées des Insectes indiqua leur rôle respiratoire. De plus, parallèlement à l’anatomie, émergea une tendance à traduire des formes en termes de fonctionnement. C’est ainsi que la physiologie, déjà considérée par Théophraste sous le nom de sciences des causes, retrouva une place dans l’étude des végétaux. Par exemple, Claude Perrault (1613-1688), anatomiste et médecine français attacha une importance à la circulation du suc dans la plante, une circulation qui pourrait être représentée à l’image de la circulation sanguine des animaux. En outre, de nombreuses questions se posèrent autour de la sexualité des plantes. Déjà cette idée de sexe chez les végétaux avait été émise à l’Antiquité. Mais c’est grâce à l’étude du professeur Camerarius (1665-1721) que vint à être prouvé expérimentalement l’existence de phénomènes sexuels chez des plantes dioïques comme le Mercuriale ou monoïques tel le Maïs.

 

C’est à l’issue de ces quelques centaines d’années que la botanique prit donc son autonomie en tant que science. Cependant, l’intérêt médical resta présent malgré l’élargissement du savoir relatif aux végétaux. C’est au XVIIIe siècle que fut franchi une sorte de tournant par le fait que les grands problèmes de cette science furent désormais connus. Par conséquent, la botanique balaya plusieurs champs disciplinaires et s’épanouit dans diverses directions. À ce stade, il devient difficile de suivre l’évolution de cette science autrement qu’en s’intéressant aux progrès des techniques et au génie de quelques chercheurs qui ont conduit à l’état actuel de nos connaissances en botanique, science qui présente encore plein de mystères.

La botanique, du XVIIIe siècle à nos jours

 

Le XVIIIe siècle connait un événement marquant pour la botanique avec l’apparition de la nomenclature binomiale par le naturaliste suédois Linné (1707-1778). Il proposa de nommer chaque espèce végétale selon un système simple : le nom du genre commençant par une majuscule (ex. Arabidopsis) complété de son épithète inscrit en minuscule (ex. thaliana). L’association de ces deux mots latins constitue le nom de l’espèce (ex. Arabidopsis thaliana) qui est, par convention, écrit en italique afin de le distinguer des noms vernaculaires donnés à l’espèce (ex. Arabette des dames). Cette nomenclature est aujourd’hui adoptée par l’ensemble de la communauté scientifique.

 

Au XIXe siècle, quelques botanistes dont Humboldt (1769-1859) ou Banks (1743-1820) entreprirent de grandes expéditions leur permettant de découvrir des flores inconnues de l’époque comme la majestueuse flore tropicale d’Amérique par exemple. Aussi, en 1859, un ouvrage de référence fut publié. Il s’agit de L'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie écrit par Darwin (1809-1882). Ce livre apporta une nouvelle vision à la biologie. En effet, la théorie de la sélection naturelle proposée dans cet ouvrage devint peu à peu le fondement de tous les systèmes classificatoires mais aussi une base fondamentale utilisée dans de nombreuses disciplines de la biologie. En ce qui concerne la botanique, Darwin fut tourmenté par l’inexplicable origine des plantes à fleurs… Il semblait que l’apparition des Angiospermes soit presque soudaine, ce qui ne laissa pas ce grand naturaliste sans tourments. Il utilisa l’expression d’« abominable mystère » pour qualifier cette interrogation. D’ailleurs, encore aujourd’hui, cette question de l’origine des plantes à fleurs n’est pas totalement résolue.

 

Depuis le milieu de XXe siècle, la botanique suscite de nombreuses recherches. Ces recherches sont diversifiées selon les approches utilisées et les interrogations posées à propos des organismes végétaux.

 

Cette science est étroitement reliée à de multiples domaines des sciences de la vie comme la systématique, la biologie de l’évolution, la biologie du développement ou encore l’écologie. Toutefois, la botanique ne se cloisonne pas à ces seuls domaines d’études et des interconnexions existent. Aujourd’hui, la phylogénie est un outil indispensable à la systématique et permet d’appréhender les relations de parenté au sein des communautés de plantes ou entre les plantes et les autres êtres vivants, toujours sous un angle évolutif. Aussi, des recherches à la croisée de l’évolution et du développement ont donné naissance à une nouvelle discipline des sciences de la vie particulièrement prospère à savoir l’évo-dévo. En l’occurrence, les études inscrites dans cette discipline ont conduit à l’élaboration d’un modèle cohérent pour le contrôle génétique du développement et de l’identité des différentes pièces florales : il s’agit du modèle ABCDE, mis en évidence chez une plante à fleurs Arabidopsis thaliana en 1991. Ce modèle est aujourd’hui élargi à l’ensemble des Angiospermes.

 

De plus, la botanique fut pendant longtemps le fruit de travaux de quelques individus. Cependant, de nos jours, cette science suscite l’intérêt de plusieurs équipes de recherches, dénombrant des milliers de scientifiques à l’échelle planétaire. C’est pourquoi il serait impensable aujourd’hui de nommer quelques éminents botanistes comme ce fut le cas dans le passé.

 

Les outils modernes, florissant depuis les années 1990, ont considérablement accéléré la recherche en botanique. Cela a mis en exergue d’innombrables bouleversements de notre compréhension et connaissance du monde végétal. Pour illustrer ces propos, il est possible de prendre l’exemple de la génomique qui met en lumière une évolution et un fonctionnement des génomes eucaryotes beaucoup plus complexes qu’on ne pouvait le penser au XXe siècle. En effet, le premier séquençage complet du génome d’une plante a été réalisé au début des années 2000 chez Arabidopsis thaliana. À l’heure actuelle, grâce aux nouvelles techniques de séquençage à haut débit, la liste des plantes séquencées (équivalent à une centaine en 2012) est amenée à augmenter de manière exponentielle dans les prochaines années. De ces séquences d’ADN et de par l’informatique, l’imagerie et la génétique, les scientifiques peuvent reconstruire la phylogénie des espèces végétales séquencées et plus largement comprendre l’histoire évolutive des végétaux en se basant sur des hypothèses les plus probables. D’autres outils, comme les microscopes, sont propices à l’exploration des structures morphologiques externes et internes des organismes végétaux. Cela participe à la compréhension de l’évolution et du développement de ces êtres vivants.

 

Avec tous ces exemples, nous pouvons pointer l’adaptation dont ont fait preuve les botanistes au cours des temps. C’est aussi de cela que ces chercheurs ont su tirer parti des diverses technologies modernes pour améliorer et approfondir l’étude des plantes. Toutefois, encore aujourd’hui, de nombreuses interrogations demeurent : la capacité d’adaptation des plantes aux variations climatiques globales attendues dans les prochaines années reste mal connue et fera l’objet de travaux pour de nouvelles générations de chercheurs.

 

Outre la recherche fondamentale, l’enseignement de la botanique est indispensable, comme tous les autres enseignements des sciences naturelles, pour transmettre les connaissances actuelles et former les prochains acteurs du monde de la recherche qui participeront à l’évolution de la compréhension des phénomènes biologiques en botanique. L’enseignement de la biologie végétale a assez peu évolué avec le temps. En effet, il est impensable d’approfondir sa connaissance sur les végétaux sans avoir préalablement compris les notions de base de morphologie, comme il est fondamental de disposer de connaissances en systématique pour identifier des espèces végétales. C’est pourquoi la botanique se repose et se reposera toujours, en partie, sur l’observation et sur des modes de communications simples tels les dessins. Nous comprenons donc pourquoi les travaux pratiques en biologie végétale sont fondés sur l’observation avec des outils communs comme le stéréomicroscope et le microscope photonique, puis sur la retranscription de ces observations par des dessins ou diagrammes (modes de communication encore très plébiscités par les chercheurs). Puis, à l’inverse des idées que peuvent se faire les personnes ne pratiquant pas la botanique, la floristique ou la détermination des espèces végétales continue de s’enseigner avec un matériel très rudimentaire : seulement une flore de terrain et une petite loupe.

 

Cependant, les principaux changements dans l’enseignement de la botanique ont trait à la systématique au vu de l’évolution constante des méthodes de classification et des divers remaniements observés dans la classification des Angiospermes notamment. D’ailleurs, ceci est dû majoritairement à l’apport des phylogénies moléculaires, beaucoup plus précises que les classifications basées sur de simples comparaisons morphologiques entre individus. De plus, avec l’émergence sur Internet de nouveaux outils d’aide à la détermination et à la dénomination d’espèces végétales, il est plus aisé de connaître la nomenclature et les informations relatives aux espèces recherchées. Cet outil représente une source riche d’informations, accessibles aux néophytes, seulement si son utilisation est guidée et raisonnée.

 

Par ailleurs, si les botanistes de formation sont relativement peu nombreux, la botanique passionne de plus en plus d’amateurs. Cet engouement trouve son origine dans les diverses menaces que connaît notre biodiversité, ce qui a pour effet d’entrainer la création de nombreuses associations naturalistes locales proposant des sorties sur le terrain, des conférences et autres animations autour des végétaux. Ces dernières ont parfois une forte influence au classement d’un site, réputé avoir un intérêt floristique important, en zone protégée de type réserve naturelle, réserve biologique, etc. Ces botanistes amateurs sont souvent très compétents et leurs connaissances approfondies d’une région donnée leur permettent d’alerter les autorités responsables quant à la situation de certaines espèces végétales menacées d’extinction.

 

En outre, d’autres initiatives telles les initiatives de sciences citoyennes ou participatives ont vu le jour dès les années 2000. Ces dernières connaissent un fort développement dans le domaine des sciences naturelles, où le travail de terrain demande un matériel rudimentaire et peu onéreux. Ces initiatives sont à l’origine de programmes de suivi et de restauration de populations d’espèces végétales par des botanistes professionnels ou amateurs volontaires, sans quoi il serait très difficile d’obtenir des données à l’échelle d’un territoire entier.

 

Enfin, les progrès majeurs des techniques, dont la science du végétal a profité à partir des années 1990, permettent aujourd’hui de réfléchir aux directions que pourrait suivre cette science dans un futur proche. En effet, les techniques de séquençage dites de nouvelle génération ont été élaborées dans le but de séquencer rapidement et à faible coût des ensembles d’ARN ou transcriptomes traduits dans divers tissus biologiques. En conséquence, ces techniques offrent un accès à une quantité considérable d’informations potentiellement capables de remettre en cause toutes les branches de la botanique. Puis, les avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle amènent sur la voie de l’identification assistée par ordinateur avec le développement de clés de détermination électroniques comprenant la reconnaissance de photographies utilisables sur smartphone et donc directement sur le terrain. En tous cas, nous nous apercevons de l’énorme potentialité des interactions entre les différentes disciplines scientifiques, ce qui conduira, dans les années à venir, à une botanique de plus en accessible et prisée du grand public.

 

Bibliographie et sitographie

 

Combes R.. Histoire de la biologie végétale en France. Revue d’Histoire de la Pharmacie, 1934. n° 85, pp. 258-259.

 

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Raynal-Roques A.. La Botanique redécouverte. Belin, 1994. 512 p.. ISBN 978-2-7011-1610-5

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