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La diversité des appareils buccaux et l’alimentation des Insectes

Les Insectes ont colonisé la plupart des milieux au cours de leur évolution. Ceci grâce notamment à leur capacité d’exploitation de l’ensemble des ressources alimentaires de leur environnement : feuilles, fruits, bois, nectar des fleurs, sève, sang des Mammifères ou encore autres Insectes. Cette spécialisation alimentaire a provoqué une adaptation des pièces buccales au régime alimentaire dans le but d’accroître l’efficacité de la prise de nourriture.

 

Les Insectes sont tous équipés d’appendices nécessaires pour couper, broyer, percer, aspirer, sentir ou goûter les aliments. Ces dernières forment les pièces buccales délimitant un espace préoral. Leur morphologie ainsi que leur agencement varient suivant les groupes d’Insectes.

 

Se nourrir à sa façon ou une diversité des appareils buccaux chez les Insectes

 

L’appareil buccal des Insectes est un ensemble d’appendices, souvent articulés, servant à la préhension de la nourriture ainsi qu’à son ingestion.

Figure 1. Représentation schématique de la disposition des pièces buccales chez un Insecte de type broyeur en vue latérale (illustration : E. Force).

Figure 1. Représentation schématique de la disposition des pièces buccales chez un Insecte de type broyeur en vue latérale (illustration : E. Force).

Selon l’axe antéro-postérieur, il est constaté le labre, les mandibules, les maxilles et le labium (fig. 1). Au sein de ces différentes structures, il est possible d’observer les palpes labiaux ou maxillaires qui sont respectivement de petits appendices du labium et des maxilles. Les palpes comprennent un nombre d’articles qui diffère selon les ordres d’Insectes. Ces petits appendices portent généralement les organes sensoriels du toucher, du goût et de l’odorat grâce à la présence de poils sensoriels aussi appelés sensilles. De plus, le clypéus est une pièce portant le labre. Puis, la galéa est un appendice des maxilles, plus ou moins allongé, supportant les palpes maxillaires (fig. 1).

 

En fonction de la forme et du fonctionnement de ces pièces buccales, il est possible de distinguer les Insectes de type broyeur des Insectes de type suceur.

 

Le Criquet, un exemple d’Insectes de type broyeur

Figure 2. Criquet de pâtures, Pseudochorthippus parallelus Zetterstedt. (crédit photo : C. Pilon).

Figure 2. Criquet de pâtures, Pseudochorthippus parallelus Zetterstedt. (crédit photo : C. Pilon).

Les Insectes à régime phytophage ou carnivore se caractérisent par des mandibules développées, puissantes et tranchantes (fig. 2). Celles-ci sont capables de couper et de mâcher des aliments solides tels des feuilles, des graines ou d’autres Insectes. Cet appareil buccal est présent chez les Coléoptères, certains Hyménoptères comme les Fourmis et les Guêpes par exemple ou bien chez quelques Orthoptères : Sauterelles et Criquets (fig. 2).

Figure 3. Organisation de l’appareil buccal d’un Criquet (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Figure 3. Organisation de l’appareil buccal d’un Criquet (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Les pièces buccales des Insectes de type broyeur se caractérisent par la présence :

  • d’un labre correspondant à la lèvre supérieure. C’est la première pièce buccale, il couvre la base des mandibules et forme la voûte de la cavité buccale des Insectes ;
  • d’une première paire de grosses mâchoires très dures : les mandibules. Ces dernières ont une forme pyramidale et sont utilisées pour couper et broyer les aliments ;
  • d’une deuxième paire de mâchoires, les maxilles, utilisées pour mastiquer la nourriture ;
  • d’un labium. Cette partie correspond à la lèvre inférieure, structure simple qui appartient à la langue. De plus, ce labium a évolué à partir d’une paire d’appendices tel le labre. Cependant le labium porte toujours des palpes à la différence du labre ;
  • d’un hypopharynx aussi nommé langue, correspondant au plancher de la bouche.

Au premier abord, il est difficile d’observer l’ensemble de ces pièces buccales chez tous les Insectes. Néanmoins, toutes ces structures sont constatées au sein de l’appareil buccal de type broyeur (fig. 3). C’est pourquoi l’appareil buccal de type broyeur est considéré comme primitif.

 

Les Insectes de type broyeur-suceur : cas de la larve du Dytique

Figure 4. Larve de Dytique, Dytiscus sp. (crédit photo : A. Lequet).

Figure 4. Larve de Dytique, Dytiscus sp. (crédit photo : A. Lequet).

Quelques Insectes de type broyeur, possédant des mandibules bien développées, se nourrissent exclusivement d’aliments liquides ou liquéfiés. Par exemple, la larve de Dytique (fig. 4) est un prédateur de têtards de Grenouilles ou de Poissons de petite taille. Cette larve possède des mandibules en forme de crocs, percées d’un fin canal au travers duquel une salive est injectée dans la proie afin de la liquéfier. À la suite de cela, la larve de Dytique aspire l’intérieur de sa proie faisant ainsi une digestion extra-orale.

 

L'Abeille : un Insecte de type broyeur-lécheur

Figure 5. Abeille domestique, Apis mellifera L. (crédit photo : E. Force).

Figure 5. Abeille domestique, Apis mellifera L. (crédit photo : E. Force).

Figure 6. Organisation de l’appareil buccal d’une Abeille (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Figure 6. Organisation de l’appareil buccal d’une Abeille (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Des Insectes broyeurs peuvent lécher leur nourriture avec une langue constituée par la fusion du labium et des maxilles (fig. 6). Ceci est remarqué chez des Hyménoptères comme l'Abeille par exemple (fig. 5). En effet, cet Insecte n’utilise ses mandibules que pour pétrir la cire afin de construire des alvéoles, et non pour couper la nourriture.

 

Les Insectes de type suceur : exemples de la Mouche, du Papillon et du Moustique

 

De nombreux Insectes sont incapables de couper ou broyer des aliments solides. C’est pourquoi leur nourriture est exclusivement liquide. Ces Insectes sont ainsi appelés suceurs. En ce sens, les mandibules, les maxilles et d’autres pièces buccales sont modifiées en stylets. Ces derniers sont des pièces buccales souvent allongées formant un long tube par lequel la nourriture est aspirée. De ce fait, la bouche peut être assimilée à une pompe. Le nombre de stylets, leur agencement ou encore leur fonctionnement discriminent plusieurs groupes d’Insectes de type suceur.

 

La Mouche et le Papillon, des Insectes de type suceur-lécheur

Figure 7. Éristale gluante, Eristalis tenax L. (crédit photo : E. Force).

Figure 7. Éristale gluante, Eristalis tenax L. (crédit photo : E. Force).

Figure 8. Organisation de l’appareil buccal d’une Mouche (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Figure 8. Organisation de l’appareil buccal d’une Mouche (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Chez les Diptères, telle la Mouche, le labium est très développé (fig. 7). Celui-ci constitue une trompe molle aussi qualifiée de proboscis. Ce proboscis est soutenu par des pièces buccales chitineuses, pouvant se replier en Z sous la tête. Le proboscis est assimilé à une éponge, terminée par deux lobes : les labelles (fig. 8). Ces lobes sont perforés de nombreuses pseudotrachées qui débouchent dans le pharynx. De cela, un pompage des aliments liquides peut se faire. Aussi, les Diptères sécrètent une salive qui a pour but de liquéfier les aliments solides.

Figure 9. Zygène de la filipendule, Zygaena filipendulae L. (crédit photo : E. Force).

Figure 9. Zygène de la filipendule, Zygaena filipendulae L. (crédit photo : E. Force).

Figure 10. Organisation de l’appareil buccal d’un Papillon (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Figure 10. Organisation de l’appareil buccal d’un Papillon (crédit photo : E. Force, collection personnelle).

Chez les Lépidoptères adultes, l’appareil buccal se caractérise par la présence de palpes labiaux et de maxilles allongées (fig. 9). Ces maxilles sont soudées l’une à l’autre pour constituer une sorte de longue trompe spiralée (fig. 10). Cette dernière est enroulée sur elle-même sous la tête lorsque l’Insecte est au repos. Lors de la prise de nourriture, la trompe se déplie afin d’aspirer le nectar des fleurs ainsi que le jus des fruits fermentés.

 

Les Insectes de type piqueur-suceur : cas du Moustique

Figure 11. Moustique commun, Culex pipiens L. (crédit photo : Entomonews).

Figure 11. Moustique commun, Culex pipiens L. (crédit photo : Entomonews).

Figure 12. Organisation de l’appareil buccal d’un Moustique (crédit photo : E. Force, collection personnelle)

Figure 12. Organisation de l’appareil buccal d’un Moustique (crédit photo : E. Force, collection personnelle)

Les Insectes dits piqueurs-suceurs (fig. 11) se composent de pièces buccales appelés stylets (fig. 12). Ceux-ci permettent de percer la peau des animaux ou les tissus de végétaux dans le but d’aspirer les liquides internes. Certains de ces Insectes se nourrissent particulièrement de sang. Pour se faire, les Moustiques perforent la peau via leurs stylets jusqu’à ce qu’ils rencontrent un vaisseau sanguin afin d’y aspirer le sang. De plus, ces Insectes hématophages injectent de la salive pour empêcher la coagulation de ce liquide.

 

La prise alimentaire chez les Insectes est soumise à un contrôle dépendant de plusieurs facteurs. Qu'en est-t-il de ce dernier ?

 

Mécanisme et contrôle de la prise alimentaire des Insectes

 

Avant toute prise de nourriture, les Insectes montrent une série de séquences comportementales permettant l’acceptation ou le rejet de l’aliment sélectionné. Par exemple, le Criquet prospecte la surface du végétal grâce à l’extrémité de ses palpes riches en sensilles : poils permettant la détection de composés de surface et/ou volatils. De cette prospection, l’Insecte sait ainsi si la plante est toxique ou alors comestible. Ce comportement de prospection est constaté chez une grande majorité d’Insectes phytophages : larves de Lépidoptères, Coléoptères, etc. Par conséquent, la décision de la prise alimentaire chez ces Insectes découle d’un équilibre entre une phagostimulation et une déterrence par des composés chimiques.

 

Les Insectes broyeurs possèdent des muscles puissants associés aux mandibules. Chez les Insectes se nourrissant de nectar, l’efficacité du proboscis est fonction de l’activité des muscles qui lui sont rattachés. En effet, chez les Lépidoptères, ce proboscis, en forme de trompe, se déroule suite à l’augmentation de la pression de l’hémolymphe du Papillon.

Figure 13. Puceron du rosier, Macrosiphum rosae L. (crédit photo : E. Force).

Figure 13. Puceron du rosier, Macrosiphum rosae L. (crédit photo : E. Force).

Aussi, les stylets des Insectes dits piqueurs-suceurs, et plus précisément les Insectes phloémophages de petite taille tels les Pucerons (fig. 13), pénètrent les tissus de la plante via une sécrétion d’enzymes salivaires. La progression de ces enzymes au sein du végétal, principalement intercellulaire avant les vaisseaux du phloème, est favorisée par la libération d’une salive visqueuse se solidifiant afin de former une sorte de gaine : on parle de gaine sétale ou gaine salivaire. La formation d’une telle gaine, permettrait aux stylets de l’Insecte de retrouver plus facilement leurs trajets vers les vaisseaux phloémiens, limitant de ce fait les phénomènes de cicatrisation des tissus végétaux.

 

De même, chez les Insectes hématophages comme le Moustique, la sécrétion de salive est indispensable à l’inhibition de la coagulation sanguine par agrégation plaquettaire et favorise aussi une vasoconstriction facilitant la prise alimentaire.

 

Puis, pour les Insectes se nourrissant du nectar des fleurs, la prise de nourriture est effectuée par capillarité à l’extrémité du proboscis. Le nectar est ensuite acheminé vers le système digestif à l’aide d’une pompe.

 

Suite au mécanisme de la prise de nourriture chez les Insectes, cette dernière fait l'objet d'une régulation. Comment les Insectes régulent-ils leur prise alimentaire ?

 

La prise alimentaire des Insectes et sa régulation

 

La majorité des Insectes s’alimente par petites quantités, à intervalles de temps plus ou moins longs allant du quart d’heure pour les larves de Lépidoptères à deux heures pour les Criquets par exemple.

 

Par ailleurs, cette prise de nourriture est influencée par des facteurs à la fois internes mais aussi externes à l’Insecte. Elle est favorisée par l’odeur des aliments et est aussi variable selon le jour ou la nuit en fonction des Insectes. Aussi, cette régulation est gouvernée par le système nerveux central des Insectes : le système nerveux central est sollicité par l’intestin (plein ou non, type de nutriments ingérés…) mais également par la sensibilité des sensilles disposées sur les différentes pièces buccales de l’animal.

 

 

En conclusion, suite à l’observation de différentes espèces d’Insectes en train de s’alimenter, il est possible de constater l’existence de plusieurs types d’appareils buccaux, chacun composé de différentes pièces buccales variant de par leur forme mais aussi de par leur agencement. Cette variation s’exprime entre les différents groupes d’Insectes, et peut également s’apercevoir au sein d’une même espèce.

 

 

Bibliographie et sitographie

 

Anonyme. Manger à sa façon [en ligne]. Espace pour la vie Montréal, [consulté le 12 avril 2020]. Disponibilité et accès sur : https://espacepourlavie.ca/manger-sa-facon

 

Chapman R.-F.. The Insects: Structure and Function. Cambridge University Press, 1998.

 

Daly H.-V. et al.. Introduction to Insect Biology and Diversity. Oxford University Press, 1998.

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